mardi 28 juin 2016

Brexit : Kids, this is the story of how I left your mother...


Bonjour à tous !

Et voilà, ces fous d'Anglais l'ont fait. Personne n'y croyait. Ou plutôt : personne ne voulait y croire. Allons donc, faire acte de démocratie alors que ce cher M. Juncker, président de la Commission européenne (si quelqu'un peut expliquer exactement à quoi ce machin rempli de technocrates non élus sert, qu'il fasse signe !) n'a cessé d'expliquer qu'il ne pouvait y avoir de démocratie en dehors des traités européens...
Mais voilà, David Cameron, reconnaissons-lui cette immense qualité, a tenu parole : il avait promis un référendum s'il était réélu l'an passé. Il a été réélu, les Britanniques ont eu leur référendum. Et comme il fallait s'y attendre pour qui prête attention au caractère plutôt indépendant de nos amis d'outre-Manche, ils sont partis ! Quels enseignements en tirer ? Voyons cela ensemble.

Un traitement médiatique à sens unique, ou presque

Comme il fallait s'y attendre (bis), en France, la presse a été unanime pour critiquer ce référendum et nous annoncer les pires catastrophes en cas de Brexit. Pensez donc : les pauvres petits Français travaillant de l'autre côté de la Manche allaient être obligés de rentrer, la bourse allait s'effondrer, la Livre Sterling avec, le pouvoir d'achat des quelques Anglais égarés en Dordogne allait s'effondrer, l'Angleterre allait se retrouver totalement isolée, replongée à l'ère médiévale avec les rats, la peste, etc. Bref, la sérénade habituelle. Mais le véritable problème est ailleurs : qui a réellement tenté de comprendre pourquoi les Anglais voulaient partir ? Qui a essayé d'expliquer, objectivement, quel était le problème de fond entre les Anglais et l'UE depuis plus d'une quarantaine d'années ? Personne. Car ce n'est pas là ce qui intéressait les médias ou les politiques. Non, ce qui les intéressait c'était de faire peur. De nous faire peur. Afin que jamais, au grand jamais, nous ne soyons nous aussi tentés par l'aventure d'une sortie de l'UE. Finalement, il n'y a guère qu'en Angleterre qu'une partie de la presse a supporté le camp du Brexit, et tâché d'apporter un contrepoids, si léger fut-il,  à un concert de protestations.

Un Brexit sans lendemain ?

Paradoxalement, les anti-Brexit et europhiles les plus convaincus ont peut-être raison sur un point au bout du compte : force est en effet de constater que ni Boris Johnson, l'ancien maire de Londres, ni Nigel Farage, leader du parti souverainiste UKIP, ni Michael Gove, ministre de la Justice et chef de file des pro-Brexit au sein du gouvernement Cameron, n'ont un plan détaillé concernant la suite à donner à ce succès électoral : il semblerait qu'ils soient les premiers surpris de leur succès. A force d'entendre rabâcher qu'il n'est point de salut en dehors de l'UE, ils ont peut-être fini par y croire. Mais peut-être devraient-ils se presser s'ils ne veulent pas que les 27 autres membres de l'Union ne prennent les décisions à leur place. Car il va y avoir des décisions à prendre : que faire des quelques 7800 (!!!) lois et réglementations européennes appliquées sur l'archipel ? Comment assurer une stabilité monétaire pour la Livre ? Que faire pour convaincre Ecossais et Nord-Irlandais de ne pas vouloir quitter le navire ? Comment convaincre les investisseurs de rester ? Et enfin, last but not least, quel statut adopter vis-à-vis de l'UE désormais ? Une indépendance totale ou un statut spécial au regard de ce qui se passe déjà pour la Norvège et la Suisse ? Le chef du gouvernement qui sera nommé au plus tard le 2 Septembre à la place d'un Cameron démissionnaire aura beaucoup de questions auxquelles il lui faudra répondre rapidement !

Pourquoi les Britanniques ont choisi le Brexit ?

De son vivant, le Général De Gaulle, qui avait parfaitement compris les enjeux géo-politiques du Vieux Continent, avait freiné des quatre fers pour éviter de voir nos voisins insulaires entrer dans ce qui était encore le Marché Commun. Pompidou n'eut pas la même clairvoyance et laissa faire après qu'un référendum organisé outre-Manche donnât une large victoire au "oui" à l'adhésion à l'Europe institutionnelle. Ils étaient alors près de 70% à avoir voté en ce sens. Rapidement, les Britanniques déchantèrent quand ils comprirent que cette entreprise avait, à l'origine, un but social et coopératif. On créait un espace dans lequel on protégeait et sacralisait certains droits fondamentaux (protection des salariés, droit du travail, etc) tout en mettant en commun des ressources communes (charbon et acier) et un savoir-faire commun (Airbus et Ariane). Une fois le loup entré dans la bergerie, tout fut remis à plat et c'est alors que la CEE devint peu à peu l'UE, cette machine administrative froide et ultra-libérale, où les lobbies sont ceux qui gouvernent vraiment, où les directives et les lois les plus absurdes viennent régulièrement contredire les lois nationales, où le libre-échange est l'alpha et l'oméga, où la défense a été laissée à l'abandon aux Américains via l'OTAN et où la finance règne en maîtresse. Tout cela a été rendu possible grâce à l'acharnement et l'opiniâtreté de Margaret Thatcher, Premier Ministre conservateur au long cours dans les années 1980, suivie plus tard par l'Allemagne de Schröder et quelques pays riches du Nord : Bénélux, Scandinavie notamment.
S'il ne faut pas négliger la crise migratoire des derniers mois dans le choix des Anglais de nous quitter, il y a aussi deux autres facteurs qui ont amené à ce choix : le fait que certains pays en Europe, au Sud notamment (Italie, Espagne, France, Portugal, Grèce), freinaient de tout leur poids pour éviter une libéralisation à l'anglo-saxonne encore plus forte, au grand dam des libéraux de la City ; mais aussi et surtout car une large frange industrielle du Nord et de l'Ouest du Royaume suffoque tant leur pouvoir d'achat a baissé, tant Londres s'est éloignée de leurs grandes préoccupations, tant des zones entières du pays sont laissées véritablement à l'abandon. Comme en France avec ses zones périurbaines, comme dans le Sud de l'Italie, comme en Espagne hors de la Catalogne et de la Castille, comme en Wallonie en ce qui concerne la Belgique... L'Union Européenne est coupable : coupable d'avoir laissé le riche et divers tissu industriel de notre continent s'exporter vilement en Afrique du Nord puis en Asie du Sud-Est ; coupable d'avoir privilégié une immigration incontrôlée et incontrôlable prendre le pas tant dans les droits qu'en terme d'emploi sur les Européens natifs, laissant les seconds au chômage quand les premiers pouvaient se faire exploiter par des patrons sans vergogne, surtout dans le bâtiment et la restauration ; coupable enfin d'avoir totalement oublié le peuple en l'empêchant autant que possible d'exprimer démocratiquement son avis. Si bien que l'UE est finalement coupable d'une chose : d'avoir réveillé dans les classes populaires des pulsions xénophobes dont nous nous serions bien passés, envers des immigrés qu'on a accueillis à bras ouverts sans penser à les accueillir dignement, avec des emplois, des logements et des infrastructures en nombre suffisant, et envers les autres Européens avec lesquels une forte Histoire commune, une forte culture nous unit. L'UE est devenue une caricature de ce qu'elle souhaitait être. Il est temps qu'elle disparaisse dans les oubliettes de l'Histoire, et pour de bon ! D'autres empires bien trop grands ont déjà disparu de la sorte alors qu'on ne pensait pas cela possible : pensez à l'Empire romain ou, bien plus près de nous, à l'Union soviétique.

Et maintenant ?

Il y a plusieurs enseignements à tirer : d'abord, le référendum pour l'indépendance de l'Ecosse, ardemment souhaitée par le Premier ministre des Highlands, Nicola Sturgeon, n'est pas encore écrit. Il faut en effet l'accord express de Downing Street, et on doute fort que cela arrive dans les prochains mois, voire les prochaines années. De plus, les Ecossais se retrouveraient sans monnaie, privés de la Livre Sterling émise par la Banque Centrale....anglaise. On doute fort de la viabilité d'un pays sur le long terme sans monnaie. Ensuite, il est inutile, de la part des médias et des responsables politiques, d'essayer de faire peur aux électeurs sur ce qui se passerait si l'on décidait de mettre un coup de frein à la globalisation. Car ces chantres europhiles qui passent leur temps à critiquer les eurosceptiques de réactionnaires sont en réalité les nouveaux conservateurs : l'UE ne marche pas, mais surtout, continuons jusqu'à ce que ça marche...ou pas.
J'ajoute que je suis écoeuré, personnellement, par la réaction de certaines personnes après le Brexit. Dans un éditorial dans Le Figaro, l'essayiste ultra-libéral Gaspard Koenig espérait voir réussir l'initiative d'un référendum en faveur de l'indépendance de Londres, une cité-état dans laquelle il espérait ne trouver que des jeunes, des entrepreneurs, des étudiants ou des artistes. Tant pis pour les pauvres, les ouvriers, les vieux, les malades ou les handicapés. Quand la bêtise de l'élitisme révèle toute sa cruauté crasse. De même, de nombreux jeunes ont critiqué le choix des Anglais plus âgés d'avoir massivement voté en faveur du Brexit, parlant même de leur retirer le droit de vote. Où l'on voit bien dans quel air du temps malsain nous nous trouvons, celui du jeunisme à tout crin, où la jeunesse toute puissante sait tout mieux que tout le monde. Une telle arrogance et un tel ostracisme sont glaçants d'effroi.
Enfin, et c'est peut-être la principale information à retenir, la question de l'UE, et plus globalement du duel entre le souverainisme et la globalisation, ne doit pas être résumée à un simple paramètre économique. Les pays ne sont pas, ne peuvent pas être considérés comme, des entreprises privées. On parle de pays dont l'essence même est de veiller à l'intérêt du plus grand nombre tout en protégeant d'abord les plus fragiles, quoi qu'il en coûte. Or, pour que cela fonctionne, il faut que ce pays ait une âme, des racines, profondes, un but commun et une population qui tende pareillement vers cet idéal. Un gloubi-boulga de populations hétéroclites n'ayant rien à voir les unes avec les autres sur un territoire donné ne peut rien produire de propre. Car un jour ou l'autre, le miroir aux alouettes de la grandeur du marché économique s'effondre. Et là les communautarismes refont surface. Et cela se passe rarement sans violence.

Quid de l'Europe ?

Voilà la question qui devrait tous nous animer : plutôt que de nous entêter dans une UE qui ne marche pas, avec des pays bien trop différents pour que cela fonctionne différemment, et des passifs historiques qui ne s'oublieront pas de sitôt entre les différents membres (comment peut-on croire un instant que les Français et les Allemands puissent être des amis ? Des alliés éventuellement, guère plus), pourquoi ne pas se ré-orienter vers le marché commun initial ? Mettre en commun des ressources, un savoir-faire, pour les grandes réalisations scientifiques de demain. Le succès de Philae, la dernière mission spatiale européenne d'envergure, est là pour le démontrer : cela marche. Erasmus aussi est une belle idée. Tout comme faire de l'Europe un territoire où la peine de mort est bannie et la liberté d'expression sans condition garantie. Mais cela doit s'arrêter là. Tous ceux qui pensent et espèrent voir l'Europe devenir des USA bis avec un "super-gouvernement" consacré au droit social et à l'environnement se trompent lourdement et massivement : ce n'est pas dans l'intérêt des technocrates de Bruxelles. Pourquoi ? Parce que ça ne rapporterait tout simplement pas assez d'argent... Amis lecteurs, je vous laisse méditer là-dessus. A bientôt !

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