lundi 9 septembre 2013

Christiane Taubira, portrait d'une dure à cuire

Crédits Photo : F. Dufour/AFP/LCI


Bonjour à tous !

On l'avait quittée auréolée de son succès au Printemps dernier suite au vote de la Loi du mariage dit pour tous. Et la revoilà déjà, en cette rentrée pluvieuse, sur le devant de la scène. La raison ? Le débat à venir sur son projet de loi concernant la réforme de la Justice.
Pourtant cette ambition était vouée à l'échec, voire à l'oubli, et ce pour deux raisons. Premièrement, François Hollande, parfaitement conscient de son incroyable impopularité, voulait reporter le débat après les échéances électorales de 2014, notamment municipales. Deuxièmement, Taubira compte un adversaire de taille au sein du gouvernement qui se nomme Manuel Valls. Celui-ci a adressé une lettre au Président lui enjoignant de ne pas donner suite au projet de la Garde des Sceaux et d'opter pour une ligne plus dure. Cette lettre supposée confidentielle a évidemment fuité dans la presse. Un bon coup de pub pour l'Hidalgo d'Evry. Toutefois, ce feuilleton de l'été a pris une tournure inattendue puisque le Président a arbitré en faveur de l'ex-candidate à l'Elysée (c'était en 2002).
Il faut dire que tout oppose Valls à Taubira : lui qui fut naturalisé français en 1982 a la posture de Sarkozy, les mots-chocs de Sarkozy, mais sans le talent de bateleur du dernier locataire du 55 Rue du Faubourg Saint-Honoré. Il parle beaucoup en faveur de la sécurité, questionne la place de l'Islam au sein de la République, opte pour un ton franchement sécuritaire.... Mais rien. Car dans le même temps, ses actes viennent contredire ses paroles. En effet, il vient d'assouplir les conditions de naturalisation des immigrés et n'a pas cherché à contre-attaquer quand la proposition sur la suppression des signes ostentatoires religieux a été balayée d'un revers de main par l'Exécutif. En voilà un qui n'a pas retenu la leçon douloureusement administrée à Sarkozy : les idées sont bonnes, mais si les actes les contredisent, personne n'en veut !
Dans son habileté légendaire à finasser et à ménager la chèvre et le chou, talent qu'il a développé lors de son passage à la Rue de Solférino, Hollande a au moins eu la présence d'esprit de ne pas donner raison à Valls. Au moins, avec Taubira, on sait à quoi s'attendre. Alors que si les gens venaient à être trahis par de belles promesses sans lendemain, les conséquences auraient pu être dramatiques. Cela suffit déjà du redressement économique qui ne vient pas.
Alors Hollande a relancé l'électron libre guyanais dans la course. Et pourtant, elle fut longtemps détestée par le PS, qui l'a tenue pour personnellement responsable de l'échec de Lionel Jospin au 1er tour de l'élection à la magistrature suprême en 2002. Il faut dire qu'alors l'électorat de Gauche s'était tellement morcelé que toutes les voix perdues dans des petites candidatures étaient autant de coups de poignard dans le dos de "l'austère qui se marre". 
Finalement, après une traversée du désert politique, Christiane Taubira est revenue, plus forte que jamais. Revenue avec des convictions intactes transformées en un dogme : la République doit venir au secours des marginaux. Autrement dit, la rupture, le tabou absolu, celui qui met un terme violent au Pacte Républicain tel qu'il existe depuis 1789, et tel qu'il a été renforcé par Napoléon et le Général de Gaulle. Car le principe même d'une République, c'est justement que chacun se fonde dans le moule, accomplisse ses devoirs avant de faire prévaloir ses droits, non pas dans un esprit de frustration mais dans le souci de l'intérêt général : si chacun fait les mêmes efforts, a les mêmes droits et les mêmes devoirs, alors il est plus facile pour le pays d'avancer. Toutefois, Mme Taubira pense exactement l'inverse : l'Etat doit mettre sa puissance régalienne au service des communautés, des lobbys et de tous ceux qui se sont volontairement mis en marge de la société. Car elle aurait pu, et c'eut été plus noble, chercher à rassembler sous la bannière républicaine les miséreux, les sans-abris, les gens fraîchement licenciés, bref tous ceux pour qui la vie n'a pas laissé le choix d'être laissé sur le bas-côté. Mais pas pour Mme Taubira. Non, elle préfère courir après les lobbys gays et les humanistes pour qui la prison ne serait qu'un créateur de délinquance. Il est vrai que ce sont toujours des innocents qui y entrent... Et que ces groupes de pression sont puissants et savent faire entendre leur voix, au détriment des sans-grades.
Mais trêve de persiflage, venons en à un fait intéressant. La Garde des Sceaux, toujours économe de sa communication télévisée, a accepté, Jeudi dernier, soit le 5 Septembre, l'invitation de David Pujadas à son émission Des Paroles et des Actes. France 2, qui navigue entre la boboïsation tapageuse de Ruquier, et le libéralisme bon teint du duo Pujadas-Lenglet, avait décidé d'offrir une tribune à la Ministre de la Justice afin qu'elle s'explique sur son projet de loi. 
Comme souvent dans ce genre d'émission, tout se déroule sur un rythme lancinant et soporifique, la communication étant verrouillée, jusqu'à ce que France 2 se la joue TF1 avec un témoignage en ombre chinoise de la mère d'une victime. L'espace d'un instant, Jean-Luc Delarue était ressuscité ! L'anonyme raconte son histoire puis le présentateur se tourne vers son invitée afin d'avoir sa réaction, tout fier de lui, sentant le buzz venir. Sauf que ! Sauf que... Là, l'interlocutrice réussit à surprendre tout son monde. Car au lieu de subir la dictature de l'émotion dictée par ce genre d'événement-piège, elle a eu cette phrase : "J'ai une règle : face aux victimes, je fais silence."
Bien sûr, les grands oubliés de cette réforme sont les victimes et leurs familles, qui vont encore passer pour les dindons de la farce. Toutefois, rien ne justifie leur instrumentalisation. Et ça, Taubira l'a compris et l'a refusé. Pujadas pouvait prendre son air le plus déconfit, de buzz, il n'aurait point ! La Ministre a décidé de se placer au-dessus de la mêlée, suscitant instantanément respect et admiration. Car que l'on apprécie ou non Christiane Taubira, que l'on cautionne ou non ses partis-pris, force est de reconnaître qu'elle a l'immense mérite d'être fidèle à ses idées. Qualité toujours plus rare dans le monde politique actuel. Cependant, la conséquence d'une telle loyauté est d'autant plus lourde, car si les citoyens s'avèrent déçus de ses engagements, et ils le seront, le retour de manivelle sera fatal. Quel dommage de voir une si belle intégrité gâchée pour une posture dogmatique...