mercredi 22 octobre 2014

Quand les élites détournent la langue française à leur profit


Julien Aubert, député UMP "fautif" selon Mme Mazetier
Crédits Photo : Martin Bureau/AFP/LeFigaro.fr



Bonjour à tous !

Qu'il est loin le temps des discours enflammés ponctués de références, savantes et savoureuses à la fois, prononcés par de grands hommes d'Etat qui avaient pour seul souci le bien-être du pays et de la nation. Aujourd'hui les élites détournent le français à leur guise, conscients de détenir là une arme puissante d'endoctrinement.

Sandrine Mazetier, symbole d'un féminisme totalitaire et hors-sujet

Mme Mazetier est un député socialiste qui fut président de séance de circonstance à l'Assemblée Nationale durant les débats sur la transition énergétique. Oui, vous avez bien lu "un député" et "président". M. Aubert, député UMP, qui avait la parole, interpela Mme Mazetier sous la dénomination de "Mme Le Président". S'ensuivit un rappel à l'ordre informel, une prise de bec puis un rappel à l'ordre formel qui valut inscription au procès-verbal de la séance et amende à hauteur d'un quart de l'indemnité de l'élu. Outre le ridicule de la scène - les politiques ont sans doute plus urgent à faire que de disserter sur des querelles d'ego grammatical - Mme Mazetier a ainsi rappelé à tous son féminisme intégriste dénué de sens et de fondement. En effet, elle avait déjà proposé que les écoles maternelles s'appelassent dorénavant "petite école" ou "première école" (1). 
Toutefois, M. Aubert, qui disait s'appuyer sur le règlement de l'Académie française, s'est vu conforté dans son bon droit par celle-ci. On rappellera cependant qu'il existe un règlement propre à l'Assemblée Nationale qui dispose qu'il faut féminiser autant que possible les noms de fonction, et ce depuis le Gouvernement Jospin (1997-2002). Néanmoins, l'Académie française régit la langue française depuis 1635, l'Assemblée Nationale n'a donc, a priori, aucune légitimité pour se soustraire à ses recommandations.

Que dit l'Académie française à ce propos ?

Dans un avis publié a posteriori des événements, la vénérable institution rappelle qu'en terme de féminisation du vocabulaire professionnel, cela s'applique exclusivement aux métiers, non aux fonctions. En effet, une fonction a vocation à s'inscrire dans la durée, le long terme, tandis qu'un métier est exercé le temps que la personne est en capacité de le faire. Ainsi le Ministère de la Santé existait avant le mandat de Mme Touraine et existera après, et sera peut-être alors pourvu par un homme. Auquel cas, le principe de neutralité prévaut. La langue française n'ayant pas de neutralité pronominale dans sa grammaire, c'est le masculin qui remplit, par défaut, ce rôle. Il s'agit ici d'une règle héritée du bas-latin, avant que notre pays ne connaisse une importante influence linguistique avec les multiples et successives invasions barbares (Francs et Normands notamment). Autrement dit, il ne s'agit pas ici d'une nouveauté. D'ailleurs l'inverse existe aussi sans que les hommes ne s'en plaignent : on parlera toujours d'une sage-femme (certes il s'agit d'un métier, mais sa masculinisation est esthétiquement impossible) et d'une sentinelle. Il ne s'agit pas de dénigrer la personne en charge, simplement certaines règles sont immuables, ce qui a au moins le mérite de rappeler l'être humain à un peu plus d'humilité.

"Franglish", "globish" et autres éléments de langage dévastateurs

S'il est bien une horreur qui martyrise notre langue aujourd'hui, c'est cette espèce de "globish" immonde, notamment dans les métiers "2.0" et les métiers de la finance, ces derniers demandant une relation permanente avec Londres et Wall Street, et se retrouvant donc sous influence directe d'un anglais à la fois appauvri et très technique puisque centré sur un domaine particulier, ici la finance.
Pour en revenir aux métiers "2.0", je fais ici mention de la publicité, des jeux vidéo, de la presse sur internet, etc. On se retrouve ainsi avec cinquante mots de vocabulaire qui tournent en rond et qui ne veulent plus dire grand chose à force d'être répété ad nauseam. Vous avez le choix entre "buzz", "hashtag", "design", "e-marketing", "tweet", follower" et j'en passe, le tout bien évidemment prononcé avec un accent français du plus bel effet....ou pas ! La Loi Toubon, établie il y a environ 20 ans, fut pourtant claire sur ce sujet, le but étant surtout de s'assurer qu'un contractant ou qu'un consommateur soit assuré de comprendre ce qu'il signait ou achetait. Las, les nouvelles technologies importées tout droit de la Silicon Valley ont tout ravagé, piétinant les plates-bandes du français, et donnant également une vision biaisée car trop partielle de la langue anglaise, bien plus riche que ce que l'on croit. Fait amusant, l'influence japonaise fut très présente sur le marché occidental des nouvelles technologies dans les années 80 et 90 : curieusement, personne n'a essayé d'importer des mots japonais dans la langue française. Et c'est bien dommage, cela aurait témoigné d'une ouverture d'esprit bien plus grande que ce suivisme ridicule dont nous faisons preuve.

L'instrumentalisation de la langue à des fins politico-médiatiques

Tout ceci ne serait finalement pas bien grave si il n'y avait pas derrière une tentative de récupérer la langue à son profit. Petit à petit, passé simple, passé antérieur, imparfait du subjonctif (quand ce n'est pas le subjonctif dans son entier) disparaissent de la langue, on crée toujours plus de mots "valises" en recourant de plus en plus souvent à la novlangue. Le but avoué ? Faire croire qu'on cherche ainsi à s'adresser au plus grand nombre en employant un verbe simple, accessible à tous. Sauf qu'en agissant de la sorte, on prend en réalité les citoyens pour des abrutis, d'une part, et on leur remplit le crâne avec des inepties vides de sens, d'autre part. Il suffit de lire une note de Terra Nova, think-tank attitré du PS, ou bien des campagnes promotionnelles de collectivités territoriales pour se rendre compte, en bas de la page...que l'on n'a pas compris grand chose même si, sur le moment, cela paraissait formidable. 
Il est temps de recentrer la langue française au coeur de notre démocratie : une langue simple, sans faux-semblants, sans anglicismes malheureux, sans fautes de frappe qui font saigner des yeux et autres horreurs qui torturent notre si belle langue. Car la démocratie passe aussi par la parole et la plume !

(1)http://www.liberation.fr/societe/2013/02/01/la-deputee-sandrine-mazetier-ne-veut-plus-parler-d-ecole-maternelle_878591