mardi 3 septembre 2013

Football : la folie des chiffres continue

Gareth Bale, l'homme qui valait 100 millions !
Crédits Photo : Panoramic/Sport24.com

Bonjour à tous !

Hallucinant ! C'est le mot qui vient à l'esprit pour qui suit les affaires du football. A la vérité, même en ne s'y intéressant pas, il aura été difficile de ne pas ouïr les actualités du ballon rond, tant celles-ci furent invraisemblables lors de cette période s'étalant de Juin à Août et que les aficionados nomment mercato ("marché", en italien).
Dans un monde où la crise économique est toujours d'actualité, où les entreprises se serrent la ceinture ou bien disparaissent avec pertes et fracas (Nokia a été racheté par Microsoft aujourd'hui même, par exemple), le football continue de gonfler sa bulle spéculative à travers des extravagances qui vont jusqu'à choquer les plus chevronnés de ses supporters (dont votre humble serviteur fait partie).
Jugez plutôt : l'ailier gallois Gareth Bale, dont le palmarès collectif est vierge, a quitté son club de Tottenham pour le Real Madrid (pourtant endetté jusqu'au cou) pour 100 millions d'euros. Vous avez bien lu. Plus de 650 millions de Francs. De quoi construire une école ou un hôpital. Ou bien éponger la dette de quelques infortunés Espagnols dont la détresse économique fait peine à voir dans un pays qui ne se remet pas de l'éclatement de sa bulle immobilière. Indécent. 
Mais ce n'est pas le seul chiffre marquant : la Premier League (championnat de 1e division britannique) a dépensé, pour l'ensemble de ses 20 clubs, la somme de 745 millions d'euros. Une somme en hausse substantielle par rapport à l'année précédente, surtout quand on sait que 580 millions d'euros, soit 77,8% de la somme évoquée plus haut, a servi à payer des joueurs venant de l'étranger, au détriment de plus petits clubs anglais de D1 ou des clubs de divisions inférieures. La solidarité avec les structures les plus fragiles de son pays, celles qui forment au quotidien les futurs champions qui porteront un jour fièrement la tunique de la sélection nationale, ne représente rien pour des clubs dont les propriétaires sont des nouveaux riches venant des quatre coins du Globe.
Manchester City est propriété qatarie, Chelsea appartient à un Russe, Manchester Utd à des Américains, Arsenal aussi. Ces hommes-là ne se soucient pas de morale, d'éthique, de développement durable du football, sport le plus populaire au monde. Non, pour ces carnets de chèque ambulants, seule compte la rentabilité à courte vue. Cela vous étonne ? Allez donc faire un tour aux conseils d'administration des entreprises du CAC 40 ou de quelques géants mondiaux type Coca, McDo ou Apple. Vous verrez que ce sont les mêmes qui décident de fermer des usines pour en ouvrir d'autres en Asie du Sud-Est, au nom de la plus-value à 2 chiffres. Et tant pis si, pour cela, les ouvriers sont violentés, travaillent dans des conditions de sécurité dantesques et sont très mal payés. Les oligarques qui contrôlent ces pays sont ravis de pouvoir compter sur des rentrées de devises fraîches leur assurant d'acheter leur pérennité au pouvoir.
Le football n'échappe pas à cette triste règle. Dans un monde toujours plus triste qui a un besoin vital du triptyque panem, vinum et circenses, on a multiplié les événements, les matchs, pour que le (télé-)spectateur-consommateur soit heureux d'avoir de quoi se bourrer le crâne pendant que son patron le harcèle, que sa femme menace de le quitter et que ses enfants le boudent parce qu'il n'a pas acheté le dernier écran tactile à la mode qui sera cassé au bout de 2 semaines et oublié au bout de 3. Alors on l'enjoint à s'abonner à toujours plus de chaînes, on vend les maillots (que l'on prend bien soin de changer tous les ans, au mépris de l'esthétique la plus élémentaire) de ses stars préférées à des prix exorbitants et on augmente le prix des places en tribune. 
Dans ce vaste jeu de dupes, le joueur de foot est un esclave. Oh, un esclave bien traité, bien payé pour pouvoir s'afficher avec la dernière pouf à la mode tout droit sortie d'une quelconque télé-réalité et dont la photo a été retweetée X fois (sans jeu de mots...). Mais un esclave quand même qui "vaut" une certaine somme, qui est prié de produire un certain nombre de prestations publicitaires et, parfois, caritatives (histoire de prendre les gens pour des cons jusqu'au bout). Sans compter le nombre de matchs qu'il doit jouer dans une saison. En étant prié de ne pas se blesser, d'être toujours performant, souriant et sans se faire prendre par la patrouille anti-dopage. Comme si un être humain pouvait cavaler sur un terrain de 105m sur 90 pendant 90 minutes 60 fois par saison sans prendre de substances illicites... C'est beau de rêver.
En attendant, rien ne garantit que les nouveaux-riches qataris ou russes ne se lassent pas un jour de leur jouet. Car souvent, comme tous les nouveaux-riches, ils n'ont pas l'éducation en relation avec leur fortune. Ils se comportent en enfants gâtés capricieux. Un exemple ? Quand Dmitry Rybolovlev n'aura plus à craindre de devoir verser une somme conséquente à son ex-femme suite à son divorce, il pourra très bien décider de lâcher l'AS Monaco. Qui bouchera les trous énormes dans la comptabilité ? Vous ne me croyez pas ? Regardez ce qui s'est passé pour les clubs de Makachkala et Malaga, lâchés sans vergogne par leurs mécènes. Et vous comprendrez ce qui peut arriver. Si cela arrive à Paris, ce sera le contribuable parisien qui devra régler la facture. Et à ce prix-là, le maillot floqué "Cavani" paraîtra une satisfaction particulièrement dérisoire quand la fiche d'impôts locaux tombera dans la boîte aux lettres. Enfin, ce ne sera pas pire que les Espagnols qui payent déjà les cadeaux du Fisc local accordés généreusement au Barça ou au Real. Mais bon, il paraît qu'il faut se réjouir que la France puisse enfin attirer des stars (comprenez mercenaires) dans son championnat. Sans doute pour contenter les quelques décérébrés se prétendant journalistes sportifs et officiant à la télévision et sur Internet. 
Comme on fait son lit on se couche paraît-il : attendons patiemment l'heure de l'extinction des feux.