jeudi 15 novembre 2012

Réac' et alors ?

Crédits Photo : Superstock/Superstock/SIPA

Bonjour à tous !

‎" Sois réac, pour l’honneur de ne pas hurler à l’unisson de la meute, la fierté de penser sans prothèse, la joie de baguenauder sans chaîne ni collier. " 

C'est par ces mots que Denis Tillinac définit la motivation de la pensée réactionnaire. Un mot que l'on entend souvent ces temps-ci sans finalement très bien le définir. Et si on l'entend si souvent, c'est parce que nombre de chroniqueurs, polémistes, intellectuels s'en réclament aujourd'hui, de manière toujours plus forte. Votre humble serviteur se revendique de cette pensée au même titre, donc, que Alain Finkielkraut, Elisabeth Lévy, Eric Zemmour, Robert Ménard, Patrick Buisson, Ivan Rioufol, et autres Pascal Bruckner. 
Qu'est-ce qu'un réac ? Je serais tenté de dire que nous sommes les parias de la société moderne, les Gargamel dans le village des Schtroumpfs, les Dark Vador de la République galactique, en un mot ceux que l'on accuse de tous les maux (justement) lorsque tout va mal. En fait, nous nous contentons simplement de nous poser en veilleurs vigilants face à nos nouveaux maîtres qui n'aiment rien temps que de voir les moutons bêler avec le troupeau. Vous savez, comme dans le conte des moutons de Panurge. Sauf qu'à la fin, et les dictateurs de la pensée unique oublient bien souvent de vous le préciser, les moutons meurent noyés ! 
Historiquement parlant, et pour mieux comprendre la pensée réactionnaire, il faut expliquer qu'elle s'inscrit dans le cadre d'un pessimisme prononcé envers la modernité. Selon les affinités de chacun, il peut ensuite s'agir d'une lutte contre telle ou telle forme de cette dernière : Châteaubriand ou Lovecraft regrettaient ainsi les progrès de la science (même si  le créateur du "Ctulhu" avait une relation ambigüe avec elle, qui le fascinait autant qu'il la craignait), les progrès dans la politique (notamment le passage de la monarchie à la république puis à la démocratie) ou bien encore les progrès sociétaux. Bref, toujours est-il, reconnaissons-le humblement, que nous sommes le plus souvent des empêcheurs de moderniser en rond. Excès de prudence sans doute, mais aussi une certaine connaissance aigüe des faits historiques que nous savons prégnants dans la construction du présent et de l'avenir. Car, contrairement à la bien-pensance majoritaire, nous ne renions pas notre histoire, celle de notre pays, pour nous affranchir et tenter de nous inscrire dans un futur artificiel qui ne saurait nous correspondre. Au contraire, nous sommes conscients que l'Histoire est un éternel recommencement, un cycle sans fin duquel l'Homme ne peut s'échapper.
Le réactionnaire aime les héros, et il les respecte, sans les juger car tel n'est pas dans les attributions de l'Homme moderne. Oui, nous aimons De Gaulle et Napoléon, et nous leurs savons gré de tous les bienfaits qu'ils ont apportés à la France (Libération de la France, unité du pays, refus de l'atlantisme, leadership européen, constitution de la Ve République pour le premier nommé - Code Civil, départements, universités, rayonnement de la France, amour du peuple pour sa patrie et son Empereur et pourfendeur de la Perfide Albion pour le second). Nous ne les jugeons pas car, même si ils ont leurs torts, ils ont agi dans un contexte et avec des idéaux qui étaient bien différents des nôtres. Ainsi, lorsque François Hollande organise la grande repentance de la France, il ignore sciemment l'Histoire de notre pays, et le contexte dans lequel elle s'inscrit, et se permet de juger des grands hommes qui, de toute façon, demeureront dans la postérité, contrairement à lui. 
Quand la pensée unique demande l'égalité des droits pour tous (légalisation des sans-papiers, immigration généreuse, droit de vote des étrangers, intégration en lieu et place de l'assimilation, mariage et adoptions pour les couples homosexuels), ils piétinent la Nation française, riche de deux millénaires d'Histoire, privilégient les particularismes et le communautarisme au détriment de l'unité républicaine, récompense les droits plutôt que les devoirs, et abandonnent la liberté et l'égalité au profit du libertarisme et de l'égalitarisme ! De fait, ils sont les idiots utiles du capitalisme ultra-libéral qui, depuis la chute du Mur de Berlin et l'accélération de la mondialisation, avec pour corollaire l'ouverture des frontières aux quatre vents, y compris culturels, se frotte les mains à l'idée de créer de nouveaux besoins artificiels, avec son lot de nouveaux consommateurs décérébrés prêts à dépenser avant de réfléchir. C'est comme cela qu'aujourd'hui la France célèbre Halloween, que les restaurants Quick ouvrent des succursales halal, que nous portons tous du "Made In China" et que...nos usines ferment, les patrons voyous délocalisent sans scrupules, que des restaurants et des chefs de chantier emploient des immigrés sans-papiers, contents qu'ils sont de bosser pour 1/3 de moins que les salariés français, que le chômage augmente, et avec lui nos dépenses sociales et donc notre dette. Et le tout avec la bénédiction de Bruxelles qui, au fil des traités européens, depuis Schengen jusqu'à Lisbonne en passant par Maastricht, prend toujours plus de décisions à la place des gouvernements élus, et supplante toujours davantage la souveraineté nationale, mettant en péril les équilibres des pays. Demandez donc aux pêcheurs et aux agriculteurs ce qu'ils pensent de l'eurocratie. Et jetez un oeil sur les manifestations anti-austérité un peu partout en Europe qui se sont déroulées hier et vous comprendrez la réalité de l'Union Européenne : le tout-libéral afin de continuer à engraisser les grandes banques et les grandes entreprises multinationales qui, de toute façon, n'ont pas de frontières, donc pas de lois.
Bossuet disait : "Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes". Voilà exactement le point que nous avons atteint, un point de rupture indépassable : on se plaint de la crise, du racisme, des riches toujours plus riches au détriment des pauvres toujours plus pauvres mais on ne remet rien en question : l'Europe, c'est formidable, les pauvres sans-papiers doivent être aidés, ne stigmatisons pas telle communauté de la société, laissons les homos se marier puisqu'ils s'aiment... Mais d'un autre côté, on passe savamment sous silence le fait que le premier mariage gay en France sera très généreusement sponsorisé par quantité d'entreprises privées, qui ont trouvé là de nouveaux pigeons tout prêts à consommer tant et plus. 
Renaud Dély, "journaliste" au Nouvel Obs, qualifie les intellectuels réactionnaires de tenant d'une droite brune : mais quand réalisera-t-on enfin que l'extrême-gauche ne vaut pas mieux que l'extrême-droite ? Oublie-t-on les dégâts causés par les régimes communistes en Europe de l'Est, les crimes de Staline, Mao, Castro ? Oublie-t-on les horreurs perpétrées par les Khmers rouges ou la surréaliste dictature en Corée du Nord ? Contrairement au fascisme et au nazisme, le communisme continue encore de faire des milliers de morts chaque année. Mais c'est sans doute plus facile de taper sur les réactionnaires, que l'on confond par commodité et paresse intellectuelle avec l'extrême-droite. Après tout, Zemmour et Rioufol n'iront jamais défiler dans la rue, eux ! 
Il est temps d'en finir avec cette arnaque géante qui cloue au pilori 20% des électeurs en âge de voter sous prétexte qu'ils ont apporté leur scrutin à Marine Le Pen en Mai dernier. Parce que ce ne sont pas ces bobos donneurs de leçon qui vivent les difficultés du peuple tous les jours : quand le mariage gay sera voté, les chômeurs du Nord de la France n'auront toujours pas d'emploi : c'est ça, l'égalité ? Et puis, contrairement aux artistes qui parlent à tort et à travers dans les médias, le peuple ne peut pas se permettre d'envoyer ses enfants dans les écoles privées loin de la violence scolaire. Les mêmes artistes qui prônent la mixité sociale mais qui refusent d'emménager dans un quartier où la "faune locale" est trop "bigarrée". 
Il est temps, comme le disent Lash et Michéa, que la Gauche, qui entendait rompre avec le sarkozysme (avant d'appliquer pas à pas son programme), se comporte comme une vraie Gauche si elle veut retrouver les faveurs du vote populaire et l'adhésion des Français. Et pour cela, ces deux auteurs ne disent qu'une chose : en finir avec les revendications communautaires et individualistes pour remettre l'intérêt général sur le devant de la scène.
Tout cela n'est que du bon sens. Si c'est cela être réactionnaire, alors soit ! Mais n'oubliez pas : on vote tous les cinq ans. Alors que ceux qui me critiquent me fassent un procès si ils le veulent mais qu'ils n'oublient pas : Marine Le Pen n'est jamais loin et si elle accède au pouvoir en 2017, il sera trop tard pour pleurer. En outre, la démocratie et la liberté d'expression garantissent le débat d'idées contradictoires. La chasse aux sorcières n'a donc, en théorie, pas lieu d'être. Doit-on craindre pour autant l'avènement d'un maccarthysme de gauche ? Ce serait alors le pompon, l'ultime ironie de l'Histoire...

lundi 12 novembre 2012

Commission Jospin, VIe République, réforme des institutions... le point

F. Hollande et L. Jospin à l'Elysée pour la remise du rapport sur
la réforme des institutions. Crédits Photo : AFP/Bertrand Langlois

Bonjour à tous !

Cela est sans doute parvenu à vos petites oreilles en fin de semaine dernière : l'événement politique du moment c'est, outre le Rapport Gallois sur la compétitivité de la France, la réforme des institutions de notre pays. Réforme sur laquelle a planché Lionel Jospin. Eh oui, on a ressorti la momie de son formol où elle prenait le frais du côté de l'Ile de Ré.
Pourquoi un rapport ? Parce que cela fait plusieurs années que la Gauche, notamment, et surtout la gauche de la Gauche (comprenez Mélenchon et Montebourg) réclament une réforme des institutions. Réforme également réclamée dans les médias par le Dieu omnipotent des bons sentiments et de la bonne conscience, Edwy Plenel, rédacteur en chef du discuté et discutable site Mediapart (car il est assez incompréhensible, quand on revendique faire de la "vraie presse d'information", que l'on rende le site entièrement payant. Il faut croire qu'il n'est pas utile pour le bon peuple d'y avoir accès puisque Plenel et ses copains font la transcription pour nous). 
Que réclament ces messieurs ? Ils réclament l'abolition de la Ve République et la mise en place d'une assemblée constituante choisie par le peuple pour l'instauration d'une VIe République qui marquerait le retour du régime parlementaire, mettant fin à l'hégémonie supposée toute-puissante du Président de la République. Rappelons que la Ve République, adoptée en 1958, et rédigée par le Général de Gaulle et Michel Debré, avait pour but de mettre en place un régime bicéphale où le Président aurait des pouvoirs importants et serait la figure représentative de l'Etat, notamment à l'étranger. Le Parlement, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, aurait lui le contrôle du législatif et pourrait, en cas de cohabitation, entraver presque totalement le Président dans ses prérogatives (cf les cohabitations de 1986-88, 1993-95 et 1997-2002). En outre, la Ve République consacrait le cumul des mandats pour permettre aux élus locaux de venir défendre leur circonscription, leur région, leur département ou leur ville à Paris face aux énarques de la Capitale. Enfin le Parlement devait être élu, dans le cas de l'Assemblée Nationale, par un suffrage universel direct sous la forme d'un scrutin majoritaire.
Ce que reproche les détracteurs de ce régime, c'est la main-mise selon eux trop prégnante du Président de la République. Il faut dire qu'avec Mitterrand et Chirac, on avait eu l'habitude, sur une période de presque 30, d'avoir des "rois fainéants" à la tête de l'Etat. Avec Sarkozy, et le délai raccourci de mise en action depuis l'adoption du quinquennat, on s'était retrouvé avec un Président plus interventionniste, plus décideur et médiatique. Chose insupportable pour la Gauche, qui reprochait au Premier Homme de l'Etat de se montrer trop pendant que le peuple souffrait. Seulement, si ces messieurs avaient été plus honnêtes, ils auraient admis deux choses. La première, c'est que le mandat de Sarkozy s'est inscrit dans la lignée d'une nouvelle forme d'hypermédiatisation relayée par les réseaux sociaux que sont Facebook et Twitter. Et la seconde, c'est qu'en fait, comme tout se décide désormais à Bruxelles, Sarkozy s'est évertué à occuper la scène médiatique pour masquer la réalité de son mandat : une hypoprésidence et non une hyperprésidence comme ses détracteurs se plaisaient à le souligner. Mais pour ces adorateurs de l'Europe ultra-libérale de Bruxelles qu'ils ont contribué à mettre sur pied, le reconnaître serait revenu à se dédire. Et de cela, il ne peut en être question.
Alors on prône un changement de régime soi-disant plus démocratique qui rendrait le pouvoir au peuple, où ce serait le Premier Ministre (ou le Président du Conseil comme on l'appelait autrefois) qui serait en fait le leader du pays. Sauf que la France a déjà expérimenté les régimes parlementaires. Pendant la IIIe République d'abord (1870-1940) puis la IVe République (1946-1958). Mais qu'avons-nous constaté ? Une instabilité chronique, des gouvernements qui tenaient à peine six mois et un pays qui était devenu ingouvernable ! La France demeure un pays jacobin et monarchique. C'est un pays qui a besoin d'un chef qui soit au-dessus de la mêlée et pas d'un laborieux qui passe sa journée les mains dans le cambouis et qui ne puisse pas jouer le rôle rassurant du bon père de famille réconfortant ses ouailles quand les affaires tournent mal. De surcroît, la IIIe République s'est terminée dans les tourments innommables du régime de Vichy, tandis que la IVe s'est achevée dans les larmes et le sang de Dien-Bien-Phû puis de l'Algérie. Passer d'un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire serait donc une grave erreur.
Mais le rapport Jospin préconise d'autres mesures : la fin du cumul des mandats pour obliger les élus à ne se consacrer qu'à une seule tâche et pour rajeunir la classe politique. Sauf que, comme je l'ai dit plus haut, si un élu local siège à l'Assemblée, il peut défendre mieux que personne les aspirations de la population qu'il représente dans son fief. En outre, si l'on supprime le cumul des mandats, les députés ne seront plus que des toutous parisiens au service de leur parti. Et puis si un élu fait du bon travail en cumulant deux mandats, il n'est nul besoin qu'il renonce à l'une de ses fonctions. En revanche, limiter le cumul des rémunérations de fonction serait une bien meilleure idée qui ferait gagner de l'argent à l'Etat. Enfin, est soulevé également le vieux serpent de mer de la proportionnelle. Il est proposé que sur 577 députés, 58 soient élus à la proportionnelle. Encore une fois, c'est une noble idée puisque les partis qui font entre 10 et 20% pourront prétendre à une représentation dans l'hémicycle. Sauf que les partis majoritaires traditionnels que sont l'UMP et le PS auront moins de sièges, ce qui risque d'entraîner, là aussi, une instabilité du pouvoir. Et si, à terme, on se retrouve avec une situation identique à la Belgique ou à la Grèce qui, faute d'accord, sont restées de plusieurs semaines à plusieurs mois sans gouvernement, on aura bien l'air fin. 
Alors je propose à François Hollande de se mettre au travail et de faire lui-même le boulot, plutôt que désigner des commissions et des sous-commissions à n'en plus finir. Ca limitera le nombre de mauvaises idées à la minute et puis ça le forcera à devoir pleinement assumer ses responsabilités (et ses échecs) en 2017.