vendredi 2 novembre 2012

Jean-Marc Ayrault passera-t-il l'hiver ?

Crédits Photo : Charles Platiau/Reuters

Bonjour à tous !

Alors que l'hiver approche, et avec lui l'aune de grandes difficultés pour certains de nos concitoyens (énergie, logement notamment), on se demande vraiment ce qui se passe dans le gouvernement. Car à en juger par la cacophonie ambiante, c'est à se demander qui commande et, au-delà de ça, si l'on a à faire à une équipe réellement soudée.
Le malheureux Jean-Marc Ayrault se fait tirer dessus à boulets rouges. Jamais avare de ses efforts lorsqu'il présidait, avant les Législatives de cette année, le groupe socialiste à l'Assemblée Nationale, il semble avoir perdu toute sa verve depuis qu'il est arrivé à Matignon.
Non qu'il soit un mauvais bougre, loin s'en faut. Mais son manque de charisme et son caractère effacé, en plus de ses bourdes (notamment celle sur les 35h, cette semaine, qui a fait bondir son camp) ne lui rendent pas service. Et pour ne rien arranger, le Président lui a collé dans les pattes des opportunistes qui n'attendent qu'une chose : qu'il s'en aille. On pense ici à Manuel Valls, bien sûr, mais aussi à Stéphane Le Foll, ami de longue date du Président, à Pascal Lamy, qui n'a jamais vu un électeur de sa vie mais qui représente l'idéal de la Gauche mondialisée et libérale chère à Hollande, Michel Sapin, le copain de promo à l'ENA (la fameuse promotion Voltaire) ou encore Pierre Moscovici, étonnamment silencieux pour un ministre des finances. Mais c'est sans doute un bon point tactique le concernant.
Si Ayrault manque effectivement d'envergure pour le poste, comment expliquer que Fillon, son prédécesseur, et guère plus loquace que lui, ait tenu plus longtemps ? D'abord parce qu'il formait un binôme vraiment complémentaire avec Sarkozy, qui ne l'aurait lâché pour rien au monde : Sarkozy lâchait les chevaux, Fillon prenait les coups. Ensuite parce que Fillon avait déjà été ministre sous le gouvernement Raffarin et avait conduit une courageuse réforme des retraites en 2003. Il avait donc eu le temps de se faire le cuir, à la grande différence de son successeur.
Et puis, il n'est pas aidé non plus par la tradition parlementaire et donc très bavarde (à l'excès) du PS : c'est un parti où on discute, on "dialogue", on "débat", comprenez : chacun ramène sa fraise pour tirer la couverture (médiatique) à lui. C'est un parti qui n'a toujours pas compris le mode de fonctionnement de la Ve République : c'est une "république monarchique" où "l'homme providentiel" est sacré et respecté, à savoir le Président de la République. Celui-ci est supposé avoir une hauteur de vue sur tous les sujets, tandis que le Premier Ministre l'assiste au jour le jour. Et les ministres exécutent sans broncher. Ou du moins est-on en droit de l'espérer. Chirac avait ainsi dit à propos de Sarkozy en 2004 : "J'ordonne...et il exécute !" Bref, un régime sur mesure créé pour lui par le Général de Gaulle, et ceux qui étaient appelés à lui succéder. La Droite, elle, possède cette culture de l'homme providentiel. C'est la raison pour laquelle elle n'avait pas fait de primaire, ni en 2007, ni en 2012. Et c'est aussi la raison pour laquelle sa raison d'en organiser une en 2017, "pour faire bien", l'éloigne de son ADN et, potentiellement, de ses électeurs. 
De surcroît, Jean-Marc Ayrault n'a pas le charisme ni l'éloquence d'un Michel Debré ou d'un Georges Pompidou pour tenir tout ce petit monde en laisse. C'est un laborieux, à la culture moins étendue que les deux précédemment cités, ce qui rend ses interventions soporifiques au possible. Pas facile de se faire entendre dans ses conditions. Si François Mitterrand avait dit en son temps : "Après moi, il n'y aura plus de grand Président" (Dieu que c'est vrai !), il faut remonter encore plus loin pour trouver un grand Premier Ministre. Un homme à poigne, incontestable, qui puisse mettre en pratique la doctrine prônée par Chevènement : "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne" (Chevènement avait ainsi démissionné trois fois !)
Mettons aussi en avant les sondages toujours plus bas du couple exécutif, et vous comprendrez encore mieux pourquoi les ministres s'octroient tant de libertés. Et l'on voit alors le manque d'expérience d'hommes qui n'ont jamais été ministres, à de rares exceptions près et qui, pour certains, n'avaient plus vu un électeur depuis longtemps. Car ce n'est pas en étant Premier Secrétaire du PS pendant quelques années qu'on acquiert la dimension nécessaire à devenir un bon Président. Pas plus qu'en étant Maire de Nantes non plus, visiblement.
Enfin, quand le PS aura enfin assimilé pleinement la Constitution de 1958 et que ces messieurs auront fini de se chamailler, ils pourront peut-être enfin se mettre vraiment au boulot, et autrement que pour nous taxer toujours plus ou pour donner le droit de se marier à une sous-minorité de minorité. Mais j'ai bien peur que le temps qu'ils reprennent leurs esprits, on soit en 2017 et que Marine Le Pen ne crée une (mauvaise) surprise. Ce n'aura pourtant pas été faute de les avoir prévenus...

mardi 30 octobre 2012

Le droit de vote des étrangers mort-né ?

Bonjour à tous !

Ce week-end le PS était réuni en congrès à Toulouse. L'occasion de réaffirmer le programme du Président Hollande ainsi que les fondamentaux du Parti, enfin, dans le peu de temps qui leur était imparti pour cela. En effet, ils ont passé la quasi-intégralité du congrès à taper encore et encore sur la Droite. Comme si ils n'avaient pas compris que c'était désormais inutile puisqu'ils ne sont plus dans l'opposition.
Parmi ces fondamentaux figurait l'un des engagements majeurs de François Hollande (c'est dire la pauvreté, pour ne pas dire le néant, de son programme...) : le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Serpent de mer de la politique de gauche depuis que François Mitterrand l'avait inclus dans ses 101 propositions lorsqu'il fut élu en 1981, ce débat revient sur la table chaque fois que la Gauche est aux affaires : 1981, 1988, 1997 et 2012. Problème : ils ont toujours renoncé.
Quel est l'argumentaire employé ? Des étrangers en situation régulière travaillant et payant des impôts devraient avoir le droit, par principe de justice et d'égalité (les pauvres, à force d'être invoquées à tort et à travers, elles doivent avoir une sacrée migraine !) pouvoir voter aux élections locales. Quand certains ne réclament pas carrément qu'ils puissent être élus conseillers municipaux ou maires.
Ah, décidément la Gauche ne manque jamais d'idées foireuses. Ils ont pourtant oublié un point majeur : le droit de vote est fondamentalement corrélé à la nationalité. Après tout, si ces étrangers en situation régulière et remplissant les conditions nécessaires ne demandent pas à être naturalisés pour obtenir la citoyenneté française et bénéficier des droits qui vont avec, ça les regarde ! Ils n'ont qu'à participer, par voie consulaire, aux élections de leur pays d'origine ! Les Tunisiens de France ne se sont d'ailleurs pas gênés pour le faire quand il a fallu porter les islamistes d'Ennahda au pouvoir. Il semble absolument cohérent et logique d'avoir le droit de voter pour un pays et un seul !
L'argument massue employé est le fait que les étrangers payant des impôts devraient également bénéficier de tous les droits de la nationalité française. Problème : le suffrage censitaire n'existe plus depuis belle lurette ! La Gauche l'aurait-elle oublié ?
Jaurès disait : "La Nation, c'est le seul bien des pauvres", Jaurès homme de Gauche par excellence. Autrement dit, donner aux étrangers le droit de voter et d'être élu, c'est comme déchoir de leur nationalité les Français les plus modestes et les plus humbles qui, eux, n'ont pas forcément les moyens de payer des impôts mais à qui il reste encore cependant ce droit fondamental : celui de glisser un bulletin dans l'urne. Va-t-on leur retirer ce rare privilège au nom d'une supposée égalité qui ne répond en réalité qu'à un impératif de lobby, un impératif communautaire ? L'historien et sociologue  américain Christopher Lasch (1932-1994), scientifique historiquement de Gauche, avait en son temps fustigé, déjà à l'époque, la course de cette Gauche libertaire-libérale vers cette démagogie, qu'il appelait la "religion du progrès" (1). De même, en France, Jean-Claude Michéa, ancien militant du PCF, philosophe et essayiste, procède-t-il à la même critique. Il "considère que les idéaux bourgeois libéraux ont triomphé du socialisme en le phagocytant" et "déplore que le socialisme ait accepté les thèses du libéralisme politique". (2)
Car il en va finalement du droit de vote des étrangers comme du "mariage pour tous" : satisfaire des lobbies minoritaires qui, par l'ouverture de nouveaux droits, vont créer de nouvelles niches de consommation qui profitent encore et toujours au cynique capitalisme mondialisé. Demandez donc aux professionnels du mariage et vous verrez qu'ils se frottent déjà les mains à l'idée de voir de nouveaux clients affluer, qui pour réserver un traiteur, qui pour se faire tailler un costume sur mesure.
Sauf que dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, c'est bien plus grave de la part de la Gauche : ils ont compris que les jeunes des banlieues ne votaient pas et que leurs aînés, pour ceux qui possédaient la nationalité française, avaient massivement voté pour François Hollande (à 93%, si ça c'est pas un score de dictateur africain). Or, en vue des élections locales, notamment les Municipales de 2014, et sachant très bien que le PS risque de prendre une mémorable rouste car il n'aura résolu en rien les vrais problèmes des Français, la rue de Solférino cherche à prendre des voix là où elles sont : à savoir chez les étrangers.
Cependant, tout n'est pas perdu. Accorder le droit de vote aux étrangers nécessite, selon la loi française, de modifier la Constitution. On ne peut la modifier que de deux façons : soit par référendum, soit par majorité des 3/5e du Parlement réuni en Congrès (Assemblée Nationale + Sénat). Il s'avère que le Président, pas fou, ne veut pas du référendum qu'il sait risqué sinon perdu d'avance, ce qui aurait de graves conséquences pour la suite de carrière à l'Elysée ; quant à la majorité des 3/5e, la Gauche est loin du compte, l'UMP, farouchement opposée au projet, disposant de suffisamment de sièges pour faire barrage. 
Le Gouvernement, sauf extraordinaire et improbable retournement de situation, va donc devoir faire machine arrière. Et ce ne sera qu'un début, car la résistance s'organise. Sur le "mariage pour tous", par exemple, dont le débat en Conseil des Ministres a été ajourné. Il faudra donc expliquer aux Français qu'on n'a pas pu tenir sa parole. Ce qui risque, même pour un sujet comme celui-ci, de susciter au mieux l'ironie, sinon un rejet toujours plus profond de l'équipe dirigeante actuelle. 
Que Hollande se renseigne, mais je crois qu'il y a encore de belles maisons à vendre sur l'Ile de Ré : Lionel Jospin commence à s'y sentir bien seul...

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1 - LASCH Christopher (2000) La Culture du narcissisme - La vie américaine à un âge de déclin des espérances, Paris, Climats & "Mass Culture reconsidered" in Democracy (01/10/81) p 7-22
2 - MICHEA Jean-Claude (2010) L'Empire du moindre mal, essai sur la civilisation libérale, Paris, Champs-Flammarion