Crédits Photo : Charles Platiau/Reuters
Bonjour à tous !
Alors que l'hiver approche, et avec lui l'aune de grandes difficultés pour certains de nos concitoyens (énergie, logement notamment), on se demande vraiment ce qui se passe dans le gouvernement. Car à en juger par la cacophonie ambiante, c'est à se demander qui commande et, au-delà de ça, si l'on a à faire à une équipe réellement soudée.
Le malheureux Jean-Marc Ayrault se fait tirer dessus à boulets rouges. Jamais avare de ses efforts lorsqu'il présidait, avant les Législatives de cette année, le groupe socialiste à l'Assemblée Nationale, il semble avoir perdu toute sa verve depuis qu'il est arrivé à Matignon.
Non qu'il soit un mauvais bougre, loin s'en faut. Mais son manque de charisme et son caractère effacé, en plus de ses bourdes (notamment celle sur les 35h, cette semaine, qui a fait bondir son camp) ne lui rendent pas service. Et pour ne rien arranger, le Président lui a collé dans les pattes des opportunistes qui n'attendent qu'une chose : qu'il s'en aille. On pense ici à Manuel Valls, bien sûr, mais aussi à Stéphane Le Foll, ami de longue date du Président, à Pascal Lamy, qui n'a jamais vu un électeur de sa vie mais qui représente l'idéal de la Gauche mondialisée et libérale chère à Hollande, Michel Sapin, le copain de promo à l'ENA (la fameuse promotion Voltaire) ou encore Pierre Moscovici, étonnamment silencieux pour un ministre des finances. Mais c'est sans doute un bon point tactique le concernant.
Si Ayrault manque effectivement d'envergure pour le poste, comment expliquer que Fillon, son prédécesseur, et guère plus loquace que lui, ait tenu plus longtemps ? D'abord parce qu'il formait un binôme vraiment complémentaire avec Sarkozy, qui ne l'aurait lâché pour rien au monde : Sarkozy lâchait les chevaux, Fillon prenait les coups. Ensuite parce que Fillon avait déjà été ministre sous le gouvernement Raffarin et avait conduit une courageuse réforme des retraites en 2003. Il avait donc eu le temps de se faire le cuir, à la grande différence de son successeur.
Et puis, il n'est pas aidé non plus par la tradition parlementaire et donc très bavarde (à l'excès) du PS : c'est un parti où on discute, on "dialogue", on "débat", comprenez : chacun ramène sa fraise pour tirer la couverture (médiatique) à lui. C'est un parti qui n'a toujours pas compris le mode de fonctionnement de la Ve République : c'est une "république monarchique" où "l'homme providentiel" est sacré et respecté, à savoir le Président de la République. Celui-ci est supposé avoir une hauteur de vue sur tous les sujets, tandis que le Premier Ministre l'assiste au jour le jour. Et les ministres exécutent sans broncher. Ou du moins est-on en droit de l'espérer. Chirac avait ainsi dit à propos de Sarkozy en 2004 : "J'ordonne...et il exécute !" Bref, un régime sur mesure créé pour lui par le Général de Gaulle, et ceux qui étaient appelés à lui succéder. La Droite, elle, possède cette culture de l'homme providentiel. C'est la raison pour laquelle elle n'avait pas fait de primaire, ni en 2007, ni en 2012. Et c'est aussi la raison pour laquelle sa raison d'en organiser une en 2017, "pour faire bien", l'éloigne de son ADN et, potentiellement, de ses électeurs.
De surcroît, Jean-Marc Ayrault n'a pas le charisme ni l'éloquence d'un Michel Debré ou d'un Georges Pompidou pour tenir tout ce petit monde en laisse. C'est un laborieux, à la culture moins étendue que les deux précédemment cités, ce qui rend ses interventions soporifiques au possible. Pas facile de se faire entendre dans ses conditions. Si François Mitterrand avait dit en son temps : "Après moi, il n'y aura plus de grand Président" (Dieu que c'est vrai !), il faut remonter encore plus loin pour trouver un grand Premier Ministre. Un homme à poigne, incontestable, qui puisse mettre en pratique la doctrine prônée par Chevènement : "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne" (Chevènement avait ainsi démissionné trois fois !)
Mettons aussi en avant les sondages toujours plus bas du couple exécutif, et vous comprendrez encore mieux pourquoi les ministres s'octroient tant de libertés. Et l'on voit alors le manque d'expérience d'hommes qui n'ont jamais été ministres, à de rares exceptions près et qui, pour certains, n'avaient plus vu un électeur depuis longtemps. Car ce n'est pas en étant Premier Secrétaire du PS pendant quelques années qu'on acquiert la dimension nécessaire à devenir un bon Président. Pas plus qu'en étant Maire de Nantes non plus, visiblement.
Enfin, quand le PS aura enfin assimilé pleinement la Constitution de 1958 et que ces messieurs auront fini de se chamailler, ils pourront peut-être enfin se mettre vraiment au boulot, et autrement que pour nous taxer toujours plus ou pour donner le droit de se marier à une sous-minorité de minorité. Mais j'ai bien peur que le temps qu'ils reprennent leurs esprits, on soit en 2017 et que Marine Le Pen ne crée une (mauvaise) surprise. Ce n'aura pourtant pas été faute de les avoir prévenus...