mercredi 10 avril 2013

Bye Bye Maggie !

Margaret Thatcher, décédée à l'âge de 87 ans
Crédits Photo : Suzanne Plunkett/AFP

Bonjour à tous !

Il plane comme un parfum d'années 80 depuis ce 8 Avril, date à laquelle la Dame de Fer a entamé son dernier voyage. On avait presque oublié cette discrète vieille femme, atteinte de la maladie d'Alzheimer depuis bon nombre d'années et vivant à l'abri des regards avec son époux dans sa petite résidence londonienne. Si Meryl Streep a su brillamment lui rendre hommage dans un film sorti en 2012 (La Dame de Fer, réalisé par Philippa Lloyd) en l'incarnant dans toutes ses qualités et ses turpitudes, le Royaume de Sa Majesté s'est soudainement souvenu de son passage au 10, Downing Street, suite à son décès.
Née en 1925, elle est fille d'épiciers. Elle a connu les affres de la Guerre et est ressortie de cette épreuve avec un état d'esprit volontaire et un caractère franc, direct, trop peut-être. De ses origines, elle a gardé et développé un sens pratique qui ne l'a jamais quitté durant sa carrière politique : un sou est un sou ! Chef du Parti Conservateur depuis 1975, elle se fait connaître en remportant les Législatives de 1979 au détriment des Travaillistes qui laissent le pays en piteux état : dette colossale, emprunt au FMI en 1976, Livre Sterling à la baisse et industrie moribonde. Ni une, ni deux, la première femme à diriger une puissance occidentale va renverser les tables : on ferme ce qui n'est pas rentable, on privatise tout ce qu'on peut privatiser, on contrôle l'inflation, on baisse les impôts et on diminue la masse globale des prestations sociales en les ciblant mieux et en les rendant donc plus efficaces. Le retour du libéralisme dans son pays d'origine a bien lieu : Adam Smith et David Riccardo peuvent se réjouir. 
Les syndicats ont été affaiblis, le droit de grève encadré : sale temps pour les pauvres me direz-vous ? Sans doute, d'autant que l'écart de richesse entre les plus pauvres et les plus riches s'est accru. Et qu'en axant le renouveau du pays sur la finance et les services, Thatcher a laissé une industrie toujours en peine aujourd'hui. Quant au chômage, sa proportion a augmenté globalement d'un point entre 1979 et 1990. Oui mais voilà, le pays est devenu entretemps la locomotive d'une Europe qu'il regarde toujours avec dédain, quand ce n'est pas du mépris. Sa croissance dépasse les 4% annuels, l'inflation est contenue (- 11% sur 10 ans) et, finalement, c'est un beau succès politique pour elle puisque Cameron aujourd'hui et Blair, le travailliste, hier, n'ont jamais renié son héritage. Bien au contraire.
Sur le plan international, son bilan est à son image : limpide mais direct. Les sécessionnistes de l'IRA s'en sont rendus compte à leurs dépens. Dans le sang, assez souvent. Mais La Dame de Fer ne voulait pas voir démanteler son pays. A tort, à raison ? Toujours est-il que l'Ulster est aujourd'hui pacifiée, l'IRA ayant fini par comprendre que cette guerre était perdue d'avance. Et puis il y a eu les Malouines. Buenos Aires doit être en liesse en ce moment. Car on peut trouver ridicule de défendre avec tant d'acharnement un archipel à l'autre bout du monde mais il s'agit malgré tout d'un acte d'agression des Argentins à l'encontre des Anglais, d'une part, et d'un coup de pied dans cette fourmilière malsaine qu'était la dictature gaucho à l'époque, d'autre part. La locataire de Downing Street proposa jusqu'au bout une solution pacifique, y compris un référendum d'auto-détermination auprès des Malouins. Rien n'y a fait. Et les Anglais ont gagné. Irrémédiablement.
Au final, que dire de Maggie qui n'ait été dit ? Elle fut une belle peau de vache, sans doute. Mais elle a surtout montré que la place d'une femme en politique ne se négociait pas avec des sournoiseries du type discrimination positive, mais au mérite et au caractère. Une leçon pour toutes les féministes tiédasses d'aujourd'hui, notamment en France. L'autre leçon, elle s'adresse à François Hollande : certes, le contexte n'est pas le même, le Bloc de l'Est s'est effondré, Bruxelles a la haute main sur l'économie et la mondialisation renverse tout. Mais avec la volonté politique de faire quelque chose, d'avancer, on fait bouger les lignes. Mais cela demande du courage, notamment celui d'être impopulaire, voire détesté. C'est un choix. Quant aux Anglais qui rêvent d'aller danser sur la tombe de cette brave vieille femme, je leur rappellerai deux choses : la première, c'est que finalement ils ont voté pour elle 3 fois et que son héritage politique et économique est intact depuis son départ, aucun de ses successeurs n'ayant profondément remis en cause sa ligne directrice. La clouer au pilori relève donc d'une certaine forme d'hypocrisie. La seconde, c'est que tous les morts, quels qu'ils soient et quoi qu'ils aient pu faire, méritent le repos éternel. 
Bye Bye Maggie ! Et merci, au passage, d'avoir su involontairement susciter autant de lyrisme et de talent parmi les musiciens de ton île !