dimanche 3 novembre 2013

Décryptage du manifeste des 343 salauds

Bonjour à tous !

Difficile d'échapper à la polémique de la semaine, qui a clairement clivé le PMF (paysage médiacratique français). Cette polémique concerne la publication prochaine d'un manifeste dit "des 343 salauds" dans le mensuel Causeur (numéro du mois de Novembre). En substance, les signataires (19 sont pour l'instant identifiés en attendant, éventuellement, les autres) réclament que l'on jette aux orties la loi à venir visant à pénaliser les clients de prostituées.
Jusque là, rien de scandaleux, même si la démarche peut susciter le débat. Ce qui a posé problème, c'est le ton volontairement provocateur, teinté d'humour grinçant, employé par ces messieurs. De surcroît, ils ont osé détourner deux symboles du progressisme de Gauche (eh oui, le toujours fameux progrès qui ne sait plus à quel saint - sein ? - se vouer) : le manifeste des 343 salopes paru en 1971 dans l'Obs, listant des femmes reconnaissant avoir eu recours à l'avortement alors que c'était interdit ; et le slogan de SOS Racisme "Touche pas à mon pote" qui est devenu "Touche pas à ma pute."
Alors, je reconnais bien volontiers que ce n'est pas très fin, ni très malin de leur part. D'autant que certaines de ces personnes sont déjà black-listées par toutes les personnalités médiatiques de la Gauche bien pensante. Je pense ici à Eric Zemmour ou Ivan Rioufol par exemple. Ceci étant, ruer dans les brancards comme l'ont fait Libé, Les Inrocks, Marianne, Le Nouvel Obs (vous avez remarqué ? toujours les mêmes) était, me semble-t-il, totalement exagéré. Il y a, de surcroît, d'autres actualités qui méritent plus violente réaction. Parmi les effarouchés de la première heure, je prends notamment l'exemple du toujours mesuré et respectueux (je plaisante, là) Laurent Joffrin qui va jusqu'à disqualifier la compétence intellectuelle des deux essayistes sus-nommés. Je doute que M. Joffrin ait matière à se placer intellectuellement au-dessus de ces messieurs. Au nom de quoi se le permet-il ?
Toutefois, là n'est pas le coeur du sujet. Le coeur du sujet, c'est cette loi à venir. Et je me propose de la décortiquer et d'en démontrer les vices cachés. Premièrement, pénaliser les clients des prostituées sans interdire la prostitution, c'est un non-sens. Comme si demain on autorisait la vente de cannabis mais qu'on mettait à l'amende les consommateurs. Deuxièmement, tout le monde sait pertinemment que le problème dans la prostitution, ce ne sont pas les clients, ni les marcheuses nocturnes, mais les trafiquants qui exploitent de pauvres filles venues d'Afrique noire ou d'Europe de l'Est. Faire preuve de courage (un manque récurrent dans ce gouvernement, décidément) aurait été d'oeuvrer, a minima, pour une coopération internationale avec les polices des pays concernés pour arrêter ces criminels. Ce qui serait encore mieux dans ce cas, ce serait de rétablir les frontières d'avant Schengen. Mais bon, là il faut se rendre à l'adage selon lequel l'espoir fait vivre : alors votre serviteur vivra vieux... Troisièmement, on fait comme si cela n'existait pas, mais il y a des femmes (et des hommes !) qui se prostituent volontairement. Soit par nécessité (mais cela n'engage qu'eux-mêmes, sans organisation criminelle derrière), soit par goût (le cas des escorts notamment, qui choisissent leurs clients, le contexte, sont rémunérés généreusement et font ainsi le choix de vivre des relations sexuelles sans avoir à s'investir sentimentalement). Précisons toutefois que cela ne concerne qu'une minorité de personnes. Quatrièmement, cette loi va fragiliser l'ensemble des prostituées, qui vont devoir travailler dans la clandestinité encore davantage. Certaines travailleront sur Internet, et tant mieux pour elles, si elles le peuvent et si elles le veulent. D'autres devront se cacher dans des endroits glauques, avec un risque accru de se faire agresser ou de se voir imposer des rapports non-protégés. Cinquièmement, la prostitution, quoi qu'on en pense, ne disparaîtra jamais. La Suède a une position abolitionniste depuis plusieurs années et nombre de Suédois reconnaissent que l'opération est, au moins, un demi-échec. Sixièmement, on fustige là encore le désir masculin. Malheureusement, l'Homme étant ce qu'il est, il a ses défauts "naturels". La femme a les siens (ne comptez pas sur moi pour les lister ou les juger), l'homme aussi. Et force est de reconnaître que le désir masculin est un sujet d'inquiétude depuis des temps immémoriaux. Combien de guerres ou d'incidents diplomatiques déclenchés parce qu'un homme désirait une femme qu'il ne devait pas convoiter ? (Je vous renvoie tant aux ouvrages historiques qu'au mythe de la Guerre de Troie ou de Tristan et Yseut, pour ne citer qu'eux). Les prostituées ont toujours été un catharsis du désir masculin. Bien sûr, l'éducation et la force de caractère restent les meilleurs moyens de l'endiguer. Mais parfois cela ne suffit pas. Il y a toujours de malheureuses femmes qui se font violer, le porno fait florès sur Internet, etc. C'est sans doute déplorable. Mais là encore, je ne fais pas de jugement de valeur : j'explique. Et je pense que supprimer la prostitution c'est risquer de réfréner certains instincts qui risqueront de se manifester de manière bien plus violente par la suite. Non que la violence épargne les prostituées, cela va sans dire. Mais dans la mesure où je défends la prostitution libre échappant aux contraintes de réseaux mafieux étrangers brutaux, je me place dans l'optique résolument optimiste qu'une prostitution réglementée permettra d'endiguer cette coercition abjecte.
Drôle de bilan sur la prostitution que je fais là, me direz-vous. Et vous aurez raison. Après avoir patiemment mûri ma réflexion sur le sujet, je me permets de la partager avec vous : je propose de ré-ouvrir les maisons-closes. Pour rappel, Marthe Richard les a faites supprimer en 1946 pour faire payer aux filles de joie françaises d'avoir couché avec des Allemands pendant la Guerre. Ironie de l'Histoire, aujourd'hui on se propose de faire payer des clients français pour avoir couché avec des femmes venues de l'étranger. 
La ré-ouverture des maisons-closes, à condition que cela se fasse dans de bonnes conditions (et pas comme en Allemagne ou la privatisation des lieux entraîne une série de dérives), peut avoir des atouts pour encadrer cette pratique : les travailleuses du sexe (et travailleurs, rappelons qu'il existe des hommes se prostituant) seraient protégé(e)s dans un lieu fermé facilement sécurisable. Il pourrait y avoir de fréquentes visites médicales. Il serait simple d'y imposer le port de la capote. On pourrait en profiter pour faire de la prévention envers les clients, en tâchant de leur faire comprendre que la prostitution a beau être tolérée, elle n'en reste pas moins une pratique discutable. Enfin cela ferait une source potentielle de revenus fiscaux non négligeables pour l'Etat. Mais à la condition stricte qu'il garde le contrôle de la situation.
Enfin j'aimerais conclure en disant qu'à partir du moment où un rapport sexuel, qu'il soit tarifé ou non, se pratique entre deux adultes consentants, l'Etat n'a pas son mot à dire. S'il veut lutter contre la prostitution clandestine venue de l'étranger (Europe de l'Est, Afrique noire), il sait ce qu'il lui reste à faire, je l'ai dit plus haut. Pour le reste, les filles qui exercent librement doivent pouvoir continuer de le faire. On attend désormais que le Gouvernement intervienne de manière aussi résolue dans des affaires autrement plus importantes.