lundi 23 septembre 2013

Pourquoi l'Europe ne sera jamais unie

Angela Merkel lors de sa victoire électorale du 22/09/13
Crédits Photo : M. Schrader/AP/Le Figaro

Bonjour à tous !

Alors que ce week-end nous a fait traverser énormément d'émotions, de la plus dramatique avec les événements au Kenya et au Pakistan, à la plus joyeuse et futile avec le titre européen de nos Bleus en basket, Angela Merkel a été réélue en Allemagne. Une fois de plus. Une fois de trop ?
Pour comprendre tout le sens de mon propos du jour, opérons un flash-back : 1798. Les troupes de Bonaparte, qui n'est pas encore Napoléon, débarquent en Egypte dans l'espoir d'en chasser les Ottomans autant que les Anglais. On ne le sait pas encore, mais l'issue de cette campagne conditionnera une bonne partie de l'Histoire à venir de l'Europe. 
En effet, les troupes françaises échouent. Ce n'est pas le triomphe annoncé, loin s'en faut : à Londres, William Pitt "le jeune" (il fut élu Premier Ministre à 24 ans seulement) jubile. Car c'en est fini des espoirs de la France de devenir la grande puissance maritime qu'elle aurait pu être en cas de triomphe dans la Vallée du Nil. La voici désormais cantonnée au pré-carré continental, sur lequel elle n'a alors pas de rival. D'autant qu'à cette époque, la France ne cherche pas tant à dominer ses adversaires qu'à asseoir les acquis de la Révolution.
Las, deux événements concomitants vont avoir raison de la détermination française à s'auto-déterminer dans ses propres frontières : d'abord, les monarchies européennes voient d'un très mauvais oeil une république s'instaurer au sein du pays le plus puissant du Monde d'alors ; ils n'aimeraient pas que cela donne de mauvaises idées à leurs propres populations. Ensuite, Pitt n'en a pas fini avec les Français. Redoutant pour le bien de son florissant commerce maritime de voir une puissance s'installer hégémoniquement sur le continent européen, l'Angleterre va voir dans les différentes victoires de l'Empereur autant de menaces au business d'Outre-Manche. Dès lors, c'est la guerre, Napoléon n'arrivant jamais à se sortir de la nasse. Chaque fois qu'il pense pouvoir en terminer avec l'un ou l'autre de ses adversaires, celui-ci revient à la charge jusqu'au drame de Waterloo, en 1815. 
A la fin du XIXe siècle, c'est la montée des nationalismes. Napoléon III concourt à la réunification italienne, créant ainsi un Etat neuf. Cela ne se passe pas aussi facilement avec l'Allemagne. La Prusse, qui cherche à réussir ce que Cavour et Victor-Emmanuel III ont réussi dans la Botte, cherche noise à la France. S'ensuit la Guerre de 1870, le triomphe prussien, le Ier Reich, la Commune et l'instauration de la IIIe République en France. Et l'inversement du rapport de force. 
Alors que l'Angleterre semble ne plus se mêler des affaires continentales, occupée à devenir la première puissance coloniale et économique au monde (aidée en cela par la réussite de la Révolution Industrielle sur son sol), l'Allemagne devient la puissance dominante en lieu et place de la France. Les Ie et IIe Guerres Mondiales ne font que renforcer le désir allemand de constituer un immense empire qui court de l'Alsace à la Pologne de l'Ouest à l'Est, et du Danemark en Bohème-Moravie du Nord au Sud. Dès lors l'opposition est frontale, et on sait comment cela se termine. 
Aujourd'hui, on loue notamment le sang-froid et le courage des Anglais de Churchill au cours de la Guerre de 39-45, mais n'oublions pas la vraie raison qui a poussé ces derniers à intervenir : à l'instar de Napoléon un siècle plus tôt, ils ont craint que l'Allemagne ne s'arroge la domination sur l'ensemble du Continent, mettant ses affaires florissantes en péril. 
Il ne peut donc y avoir, comme le montrent les événements des derniers siècles, de véritable moteur européen. Les trois grandes puissances historiques que sont la France, l'Angleterre et l'Allemagne se surveillent comme le lait sur le feu, chacune craignant que l'une ne prenne le pas sur les autres. Alors quand aujourd'hui on nous dit que l'Europe reste le seul espoir de la France, je ris sous cape. Lorsque j'entends que l'on critique Mme Merkel pour sa politique, j'ai la même réaction : d'abord parce que cette politique a été initiée par la gauche via le SPD sous le mandat de Schröder ; ensuite parce que cette politique économique se situe dans la droite ligne du comportement allemand envers le reste de l'Europe depuis des décennies : marche ou crève. L'Allemagne, que les économistes décrivaient comme l'homme malade de l'UE, est aujourd'hui sa première puissance économique. Le vieillissement de sa population lui permet de recruter sans vergogne les jeunes talents d'Europe du Sud qui ne participent donc pas à la reconstruction économique de leurs pays d'origine. C'est l'Allemagne triomphante, le Deutschland über alles, car nos amis d'Outre-Rhin sont sincèrement convaincus d'être dans leur bon droit. Bon droit économique, avec une absence de salaire minimum et une paupérisation des employés au bénéfice des entreprises, bon droit politique puisque le plus puissant doit imposer sa loi et même bon droit diplomatique. Hollande l'a éprouvé pour le Mali et la Syrie. 
Alors, que faire ? Ou plutôt, qu'aurait-il fallu faire ? Eh bien il n'aurait jamais fallu permettre la réunification allemande, lui ouvrant par la même occasion une fenêtre sur l'Europe de l'Est, lui permettant de délocaliser en douce ses usines de berlines de luxe et justifiant ainsi une paupérisation des habitants de l'ex-RFA pour s'aligner sur ceux de l'ex-RDA par le biais, déjà, d'un dumping économique et social. Et il n'aurait jamais fallu pousser l'Union Européenne aussi loin, surtout en faisant des Allemands nos alliés. Car tôt ou tard, cela allait se retourner contre nous. D'autant que les frontières françaises sont rabotées depuis des décennies : la rive allemande du Rhin, la Wallonie et la Padanie sont hors de nos limites territoriales, nous retirant du même coup bons nombre de cartouches économiques. 
Alors, on peut épiloguer sur le triomphe de Mme Merkel hier, mais il serait bon de se recentrer sur la France et ses problèmes : parce que d'Europe, plus encore aujourd'hui qu'hier, il n'est plus question...