mardi 15 octobre 2013

Le FN est-il devenu le premier parti de gauche ?

Laurent Lopez, le candidat FN pour la cantonale partielle de Brignoles, a remporté l'élection. © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP/Le Point.fr

Bonjour à tous,

Comme on le pressentait, Laurent Lopez, candidat frontiste, a remporté l'élection cantonale partielle de Brignoles... Et quand on voit de quel scrutin on parle, on se dit que ça valait bien la peine d'en parler toute la semaine dans les quotidiens, les magazines d'information, les sites internet, à la radio, sur les chaînes d'infos en continu.... Il faudra un jour se demander si, finalement, ce n'est pas la médiacratie environnante plutôt que les autres partis politiques qui ne font pas le lit du FN. Après tout, les choses n'ont jamais que l'importance qu'on veut bien leur donner. Mais de là à imaginer notre bienheureuse presse, pourtant unanimement en perte de vitesse auprès de son public, faire son autocritique, il y a un pas que l'ignorant citoyen n'oserait sûrement pas franchir...
Au-delà de cette victoire à la pyrrhus (Lopez n'est élu qu'avec à peine 1/4 des voix des électeurs en âge de voter dans cette circonscription), il est intéressant de s'intéresser à l'évolution de ce parti. A sa fondation, en 1972, il s'agit déjà d'une auberge espagnole (anciens collabos, anciens résistants, nostalgiques de l'Algérie française, communistes ou gaullistes déçus,...). Leur seule ambition finalement : la défense de la France telle qu'elle est. Rappelons qu'en 1972, Pompidou est malade, son autorité s'affaiblit et on voit déjà poindre les têtes d'oeuf tout droit sortis de l'ENA qui ne vont pas tarder à nous vendre bon an mal an l'Europe et ses vertus, avec sa ramification la plus terrible : la mondialisation. En ce sens d'ailleurs, le premier choc pétrolier suivant la Guerre du Kippour en 1973 est un premier avertissement. Non entendu par les électeurs puisque VGE sera élu en 1974. Pour le résultat que l'on sait. Et la casserole Bokassa en prime. 
Au fil d'élections, de hauts et de bas, Jean-Marie Le Pen, fondateur du FN et xénophobe notoire, nous inondera de ses saillies. Fier comme un coq en 1986 et en 2002, le vieux bougre se voit contraint de tirer sa révérence en 2007, taclé par derrière par l'habile stratège qu'était encore Sarkozy. Sa fille prend le relais. Et alors qu'on s'attend à la voir suivre la lignée de son père, inscrivant sa mouvance politique dans la même ligne du néant et de l'opposition énervée, on eut la surprise qu'il n'en fût rien. Ce qui déstabilisa plus d'un commentateur, peu habitué à voir une femme politique s'affirmer avec autant de vigueur au sein de ses troupes. On constata que si elle gardait sienne la fermeté sur l'immigration, elle avait surtout identifié le véritable ennemi de la France dans un contexte de crise économique mortifère : l'Europe, et par extension la mondialisation. L'Europe a permis Schengen, l'Euro qui pénalise nos exportations ; la  mondialisation a permis les règles de la concurrence faussées par l'OMC, les délocalisations sauvages et les dés pipés par Pékin, notamment concernant sa monnaie ou encore ses barrières douanières et le vol de nos innovations via les joint-ventures et autres transferts de technologie.
Marine Le Pen a également eu le mérite de renouveler ses cadres, allant chercher sa garde rapprochée chez les chevènementistes notamment, conscients que le vieux Lion de Belfort ne pouvait plus lutter. Ses cadres rajeunis, elle est repartie à l'assaut, réalisant une belle présidentielle 2012, des législatives réussies avec 3 élus (et encore près de 20% des voix) et en se présentant comme le poil à gratter dans de nombreuses élections partielles où la Gauche est systématiquement giclée au premier tour.
La question est de savoir pourquoi le FN renaît de ses cendres aujourd'hui : parce que le parti a clairement pris un virage à gauche. Là où Le Pen père se posait comme le défenseur de l'ultra-libéralisme, en proposant notamment l'abolition de l'impôt sur le revenu, Le Pen fille joue la carte du petit peuple. Beaucoup de mesures sociales figurent dans son programme. Certains tiqueront en disant qu'elle ne peut qu'être d'extrême droite puisque elle défend encore la préférence nationale. En omettant, par fourberie ou par ignorance, qu'à l'origine la préférence nationale est une mesure révolutionnaire mise en place par les Jacobins aux environs de 1792. Et que cette même préférence nationale fut le fil rouge des accords de Matignon en Juin 1936. Donc en portant ce paradigme en étendard, Marine Le Pen se révèle réellement plus à gauche que les partis qui s'en réclament. Le PS, en imposant les ménages les plus fragiles, en se montrant coulant avec le patronat et en ratifiant l'accord Sarkozy-Merkel se montre clairement plus comme un parti centriste libéral. Les écolos ne survivent que par la mansuétude de Solférino. LO, la LCR et le PCF sont morts. Reste le Front de Gauche qui n'arrive cependant pas à dépasser le plafond de verre des 10% de l'extrême gauche aux différentes élections, présidentielles notamment. Pourquoi ? Parce que si il dénonce l'Europe et la mondialisation, ce parti souhaite conserver l'Euro et se prononce en faveur de mesures sociétales qui sont des chevaux de Troie du capitalisme sauvage : immigration incontrôlée et Loi Taubira en faveur des homosexuels notamment. A la grande époque du PCF, de la Libération jusqu'à Marchais, jamais ces mesures anti-républicaines ne seraient venues sur le tapis. On se contentait de défendre le prolo français. Point. Et le parti faisait facilement 22% dans les urnes. Cherchez l'erreur.
Alors certes, Marine Le Pen n'est pas une solution. Son programme économique n'est pas clairement chiffré, il n'y  a pratiquement pas un mot sur l'éducation ou l'innovation dans son programme, pourtant les deux points forts d'une croissance durable, et puis elle ne cherche pas vraiment à se débarrasser des frontistes xénophobes de l'époque de son père, tel Bruno Gollnisch. Mais elle a le mérite de poser une nouvelle échelle de valeurs, de véritables et pertinentes problématiques pour les échéances électorales à venir. Les autres partis continueront-ils à la diaboliser pour mieux cacher leur misère ? Ou bien accepteront-ils enfin de mettre les mains dans le cambouis ? Eléments de réponse en 2014 avec les Municipales et les Européennes. Mais tel qu'on est là, autant le dire, c'est pas demain la veille. Qui a dit qu'il n'y avait pas meilleur aveugle que celui qui ne voulait pas voir ?