lundi 1 mai 2017

Hic Sunt Leones

Bonjour à tous !

Voici donc ce fameux second tour de la Présidentielle, tellement annoncé, voulu et prévu par tous les organes de presse, écrits ou radio- et télédiffusés depuis plusieurs mois : à ma Gauche, le sémillant trentenaire Emmanuel Macron, éphémère banquier, conseiller de Hollande à l'Elysée et Ministre de l'Economie. A ma Droite, au fond, dans son coin, la carnassière Marine Le Pen, fille de, tante de et duettiste à ses heures perdues avec Florian Philippot, son Mazarin du pauvre. Que comprendre de tout cela ?

La France coupée en deux

Rien de nouveau dans tout cela, effectivement, la France est coupée en deux : grossièrement et schématiquement, l'Est a plutôt voté FN, l'Ouest a plutôt voté Macron. A l'Est, seul le Dauphiné historique a résisté à la vague mariniste en votant Macron - merci Gérard Collomb - tandis qu'à l'Ouest le Maine s'est montré sourcilleux en votant Fillon. Pourquoi cette césure aussi marquée ? Sans doute que la proximité des frontières à l'Est avec tout ce que cela peut engendrer comme désagrément (immigration, trafics, etc) a généré davantage de peur chez ces électeurs qu'à l'Ouest où l'éloignement géographique avec les frontières ne pose pas les mêmes problématiques. On pourra objecter avec raison que les régions frontalières apportent aussi des avantages, notamment en termes de retombées économiques, mais vous savez ce que l'on dit sur les trains qui arrivent à l'heure... Par ailleurs, la présence forte du FN dans le Nord de la France, en Haute-Normandie et dans d'autres régions qualifiées de péri-urbaines ou périphériques par le géographe Christophe Guilluy (je vous renvoie notamment à son ouvrage Fractures françaises, un "must have" de la littérature de la vraie Gauche) témoigne d'un sentiment fort de déclassement de la population de ces endroits du territoire. Ces petites villes sont laissées à l'abandon, les usines ferment, délocalisent, le chômage y est aussi présent que les services publics y sont absents. Voilà comment le FN grimpe sans forcer : ses électeurs sont d'abord des oubliés de la mondialisation. Et la phrase de Jacques Attali sur le licenciement des ouvriers de Whirlpool Amiens, qualifiant ce plan social d'anecdote, ne peut que renforcer ce sentiment d'abandon, de lutte des classes. Ce soutien affiché à Emmanuel Macron ne pouvait pas tracer un plus beau boulevard à Marine Le Pen. Enfin, d'après la journaliste Alba Ventura, chroniqueuse politique sur RTL, le candidat En Marche est arrivé en tête dans 9000 communes environ, alors que son adversaire frontiste est arrivée en première place dans 18000 communes. Des chiffres qui montrent, au vu des résultats en pourcentage, que les grandes villes mondialisées plus peuplées sont très favorables à Emmanuel Macron : après tout, Marine Le Pen n'a obtenu que 5% à Paris !

Analyse politique

Une analyse que je ferai en deux temps : d'abord pour balayer le programme des deux candidats, ensuite pour me concentrer sur le cas particulier du ralliement de M. Dupont-Aignan.
En ce qui concerne les programmes, je ne vais pas y aller par quatre chemins, aucun des deux n'a mes faveurs. Marine Le Pen n'arrive pas à se décider, en fonction du conseiller ayant ses faveurs du moment, si elle est ouvertement xénophobe, si elle décide de rouvrir une polémique inutile sur la Seconde Guerre Mondiale (malheureusement, la seule période de l'Histoire qui semble intéresser nos politiques...) ou bien si elle se souvient des classes populaires dont elle se réclame pour nous jouer le couplet sur la sortie de l'Euro. Y étant personnellement favorable, c'est un sujet sur lequel je l'ai attendue toute la campagne, notamment sur les conséquences d'une telle décision mais visiblement, elle n'a jamais préparé ses dossiers correctement car elle n'a jamais été capable d'apporter une réponse claire à ce propos. Et puis, j'ai beau avoir un vieux fond marxiste, mais rétablir la retraite à 60 ans et augmenter le SMIC... Bref, un programme qui n'a ni queue ni tête, mais présentée par une VRP de luxe qui a su taire les dissensions internes de son parti, notamment depuis qu'elle en a évincé son père.
Concernant le programme de M. Macron, je vais être encore plus lapidaire : ce n'est pas parce qu'on a une bonne tête de séducteur, des beaux costards et qu'on s'énerve tout seul en plein meeting que l'on a un programme crédible. Le seul fait de se concentrer sur l'attelage bancal de ses soutiens, de l'ancien communiste Robert Hue au très libéral Alain Madelin en passant par Cohn-Bendit (une belle brochette de has been de la politique, donc) devrait donner à réfléchir à tous ceux qui se pâment devant notre golden boy. Le fric qu'il a gagné à Rotschild et qu'il nous crache presque à la figure comme tous les nouveaux riches dénués d'éducation ne peut pas en faire une personne crédible pour les défavorisés. Un type qui affirme qu'il n'y a pas de culture française ne peut pas prétendre à s'asseoir dans le fauteuil où reposa jadis le Général De Gaulle. Un homme qui déclare que la colonisation fut un crime contre l'Humanité ne peut pas se faire passer pour une personne cultivée car il n'a jamais lu ou étudié les travaux de Raphaël Lemkin. Et son programme où il tente péniblement de donner à manger à tout le monde (exemple type : je fais un geste pour l'écologie après avoir lancé des dizaines de bus bien polluants sur les routes de France) ne peut pas davantage être pris au sérieux.
De toute façon, il ne faut pas s'y tromper : pour la première fois depuis 2002, le score cumulé des deux vainqueurs du premier tour est inférieur à 50%. Preuve que les Français ne sont pas dupes de la profonde médiocrité qui leur est proposée.
Enfin, et puisque l'on ergote beaucoup cette semaine sur les calculs politiciens et les tactiques de ralliement, je tiens à dénoncer publiquement l'attitude de M. Dupont-Aignan. Celui-ci se revendique depuis une dizaine d'années, et notamment le décès de Philippe Séguin, comme le gardien des valeurs du gaullisme. A ma grande joie. Mais en choisissant Vendredi dernier de s'allier avec Marine Le Pen, il a commis la pire des fautes. Il avait toujours refusé de s'allier avec elle en utilisant son slogan "Ni système, ni extrême", sous-entendant donc qu'elle était d'extrême-droite. Puis il vient nous annoncer tranquillement qu'elle n'est pas d'extrême-droite (!!!) pour justifier son soudain rattachement ? Allons donc ! Ignore-t-il que Mme Le Pen, qui n'a jamais renié l'héritage de son père puisque le FN s'appelle toujours ...le FN et qu'elle a conservé certains caciques du parti dans ses rangs, est la fille d'un homme qui s'est toujours opposé fermement au Général De Gaulle sur l'Algérie ? Ne sait-il point que parmi les fondateurs du FN il y avait des commanditaires de l'attentat du Petit-Clamart qui avait failli coûter la vie à De Gaulle ? Monsieur Dupont-Aignan est-il à ce point en manque d'un maroquin ministériel pour se montrer tellement ignorant de l'Histoire ? Une telle attitude est révoltante et méprisable !

Le courage de Mélenchon et du vote blanc

J'aimerais conclure en ayant un mot de sympathie envers Jean-Luc Mélenchon : il a eu la clairvoyance de ne pas appeler à voter pour Emmanuel Macron. En faisant cela, et alors qu'il s'était ridiculisé peu de temps auparavant en refusant de reconnaître sa défaite électorale, il a été digne en refusant de salir son programme et ses idées. En effet, voter Macron au 2e tour c'est, a minima tout du moins, adhérer à ses idées. Quand on est de Droite, comme l'est M Fillon, comment faire comprendre à son électorat que l'on vote subitement pour un candidat apparenté à Gauche ? Lorsque l'on défend, avec courage, l'honneur des ouvriers licenciés comme le fait M Ruffin, comment faire comprendre à ces derniers que l'on s'oppose à Emmanuel Macron en votant pour lui ? Sur un bulletin de vote, il n'y a pas de mention "attention, je vote pour toi, mais je t'ai à l'oeil" ou encore "je vote pour toi par dépit parce que le FN me dégoûte donc renvoie-moi l'ascenseur". Non, un vote pour Macron est un vote pour Macron. Et quand vous le critiquerez, un jour ou l'autre, un Jiminy Cricket viendra glisser à l'oreille de votre subconscient que vous ne devriez pas en faire de trop car vous avez quand même fini par voter pour lui.
Si vous n'adhérez à aucun candidat, votez blanc ! Il n'est pas encore reconnu en France ? et alors ! Cela vaut quand même la peine de tenter de faire grimper sa jauge le 7 Mai afin de bien faire comprendre au candidat vainqueur tout le désamour qu'il suscite. Sinon, si Macron gagne, ce qui a de fortes chances de se produire reconnaissons-le, il nous fera un quinquennat à la Chirac, lâchera un "Je vous ai compris" et nous laissera tomber ! 
Oui voter blanc, c'est faire un saut dans l'inconnu et, peut-être, favoriser Marine Le Pen. Mais parfois, il faut savoir faire preuve d'un courage simple, celui de rester fidèle à ses valeurs jusqu'au bout, quoi qu'il en coûte. Autrefois, lorsque les cartographes réalisaient des cartes, ils portaient la mention Hic sunt leones sur les bords de celles-ci afin de rendre compte des territoires inconnus. "Ici sont les lions", autrement dit, s'y rendre se faisait à ses risques et périls. Et pourtant aujourd'hui, la Terre entière est cartographiée, signe qu'il y a eu des aventuriers assez courageux pour se jeter dans l'inconnu. Le 7 Mai, n'ayez pas peur de braver les lions !