mardi 5 mars 2013

Profs : la grogne monte

AFP - Jacques Demarthon

Bonjour à tous !

Les sujets de mécontentement sont nombreux en France ces derniers mois. Mais un sujet plus qu'un autre cristallise l'attention. Sans doute parce qu'il concerne un problème qui, en notre beau pays, semble insoluble : celui de l'éducation.
En effet, le ministre de l'Education, Vincent Peillon, a décidé d'acter les nombreuses alertes des chronobiologistes sur l'organisation du temps scolaire. Trop peu de jours travaillés (une spécificité hexagonale), des vacances trop longues, résultat : des journées surchargées, comme les cartables, une attention à géométrie variable et une concentration qui s'effiloche.
Noble intention que de vouloir remédier au problème. Le seul bémol, c'est que les profs ne sont pas d'accord. Vous me direz : ils ne sont jamais d'accord. Vous n'aurez pas tort... Réformer l'Education Nationale relève de la gageure. Tout le monde s'y est cassé les dents, le plus célèbre d'entre eux, ces vingt dernières années, étant Claude Allègre.
Tâchons d'analyser objectivement la situation : l'Education Nationale est, après le service de la dette, le premier poste du budget de l'Etat. Des moyens, il y en a. Mais comme souvent, ils sont mal utilisés. La faute à qui ? Oh, à un peu tout le monde sans doute. Comme je l'ai déjà écrit ici par le passé, la "formidable avancée" que devait constituer le collège unique, couplée à d'autres inepties comme la mise en place de la méthode globale pour apprendre à lire, a généré des fourgons entiers de personnes fragiles parce qu'illettrées et mal orientées. Car qui dit collège unique dit banalisation des diplômes, le Bac en étant l'exemple le plus parlant. Plus il y a de candidats qui obtiennent un diplôme, plus celui-ci est dévalorisé, c'est l'évidence. Par voie de conséquence, les élèves ont conscience de devoir rester dans le circuit scolaire plus longtemps si ils veulent avoir la chance de décrocher enfin un sésame qui leur permettra de s'intégrer dans le marché du travail. Pas la moindre des difficultés en période de crise économique. 
Les effets pervers sont innombrables, et on le constate aujourd'hui : classes surchargées, élèves à la lecture et à l'orthographe mal assurées qui se retrouvent donc en échec dans toutes les autres matières, multiplication d'établissements pour répondre à la demande démographique croissante donc éparpillement des moyens et au final... échec massif des étudiants dans les universités et 10% de chômage en France.
La campagne de Mai 68 a situé la scolarité comme l'alpha et l'oméga de l'émancipation de l'individu. Sauf que pour permettre à tous de faire un parcours scolaire honorable, on a nivelé par le bas, fabriqué des consommateurs isolés, cibles faciles pour des personnes peu scrupuleuses prêtes à leur bourrer le mou avec des tentations toujours plus fortes. Et tout le monde est victime : les bons élèves, qui perdent leur temps dans un endroit qui ne leur apprend rien, les élèves en difficulté qui restent dans le système contre leur volonté - ce qui entraîne violence et agressivité de leur part, les parents qui ne savent plus à quel saint se vouer, l'économie française qui manque de main d'oeuvre qualifiée dans des secteurs qui cherchent désespérément à embaucher (artisanat, restauration - notre retard par rapport à l'Allemagne dans le secteur de l'apprentissage est dramatiquement ahurissant !), les universités qui ne savent plus quoi faire de bacheliers qui n'ont pas le niveau et bien sûr, les professeurs. 
Pris au coeur de l'engrenage, ces derniers subissent la pression de leur hiérarchie, la pression des parents, qui ne comprennent pas pourquoi leur "petit génie" de gamin entasse les mauvaises notes dans la matière dont ils ont l'enseignement à charge, sont aux premières loges quand surviennent des agressions et sont, en prime, mal payés eu égard à leur formation. Sans compter que cela fait des années que celle-ci est notoirement incomplète en ce qui concerne le champ pratique de leur métier.
Alors plutôt que de se battre pour enlever une semaine par ci et rajouter une demi-journée par là, il serait judicieux de s'attaquer au coeur du problème : redonner à l'enseignant, au maître, l'envie et le goût d'exercer son métier. Car la crise des vocations est notable ! Pour cela, il conviendrait de redéfinir sa formation pour qu'il n'arrive pas largué dans une classe comme l'oisillon tombant du nid, revoir ses émoluments à la hausse et assurer la sécurité de sa personne, en premier lieu, et des établissements en général. L'enseignant doit être le coeur de la réforme de l'enseignement. Symboliquement, il serait d'ailleurs intéressant de renommer ce ministère, Ministère de l'Instruction Publique, au sens où l'entendait Condorcet. C'est aux familles d'éduquer les enfants, les maîtres sont les détenteurs du savoir, leur rôle doit donc se borner à celui d'instruire. Mais là, on parle d'une hypothèse encore trop abstraite aux yeux de la majorité, malheureusement. 
En attendant, ce sont les profs qui n'ont pas fini d'avaler des couleuvres...