lundi 17 juin 2013

Turquie : Erdogan joue (enfin) cartes sur table

Recep Tayip Erdogan, Premier Ministre de la Turquie
Crédits Photo : AP/AP

Bonjour à tous !

C'est l'histoire d'un parc, dernier espace vert d'Istanbul, qui sème le vent de la discorde depuis plusieurs jours sur le Bosphore.
En voulant raser ce parc et en faire un énième centre commercial (la ville en compte déjà plus de 90 !), Erdogan a suscité l'ire des Stambouliotes. La goutte d'eau pour une ville qui se veut occidentale, cosmopolite et ouverte sur le Monde. Plus que ne peuvent en tolérer les citoyens de la ville qui doivent déjà supporter le retour des femmes voilées sur les bancs de la fac, et la limitation de la vente d'alcool au-delà d'une certaine heure.
Il faut dire que depuis la révolution entamée par Mustapha Kemal dans les années 20, ce gigantesque pays au croisement de trois continents s'est considérablement laïcisé, en copiant d'ailleurs sur le modèle français. Atatürk avait notamment décidé de passer à l'alphabet latin et avait posé l'armée comme garante de la laïcité dans la Constitution.
Las, depuis une dizaine d'années maintenant, c'est l'AKP qui est au pouvoir, un parti "islamiste modéré". Bel oxymore. Et magnifique entourloupe pour tous les démocrates droits de l'hommiste en manque de sensations fortes et de médiatisation dans nos contrées, à commencer par BHL. L'islamisme modéré, ça n'existe pas, autant se mettre ça dans le crâne. Si le gouvernement turc a, jusqu'ici, agi avec une prudence de sioux, c'était simplement pour prendre le temps de démanteler l'autorité de l'armée. Ceci étant fait, l'AKP peut enfin montrer son vrai visage au monde, celui d'un parti islamiste qui entend faire respecter le dogme du Coran selon l'école de Médine.
Le miroir aux alouettes est brisé, mais il en reste un à faire tomber : celui qui essaie de faire croire aux Occidentaux qu'Istanbul représente la Turquie. Grave erreur ! Istanbul est devenue une plateforme du libre-échange, comme toutes les grandes mégapoles du Globe, de New York à Londres, en passant par Shanghaï, Melbourne, ou même Paris : un conglomérat de gens d'origines diverses, où les autochtones ne sont plus forcément en majorité, et qui répond aux volontés du libéralisme : libéralisme économique et donc, libéralisme des moeurs, en contradiction avec le Coran et la volonté de l'AKP. Ces grandes villes sont désormais déconnectées des réalités de leur pays d'origine ainsi que de celles qui touchent la population locale, rurale ou semi-rurale, au quotidien. La seule chose qui intéresse ces grandes villes, c'est de faire du fric, toujours plus de fric, en faisant tomber toujours plus de barrières, au mépris le plus élémentaire des coutumes et des traditions locales. Une volonté farouche d'uniformiser chaque jour un peu plus le Monde, pour produire des consommateurs interchangeables. 
Afin de convaincre les derniers sceptiques, je vous suggère de vous pencher sur les résultats électoraux turcs des 10 dernières années : à chaque fois, l'AKP l'emporte. Au grand dam des bobos stambouliotes. Et de leurs alliés de par le Monde. La majorité des Turcs souhaite un retour à leurs valeurs, qui ne sont pas les nôtres, c'est vrai, mais que nous n'avons aucunement le droit de juger pour autant. A moins de tomber immanquablement dans le panneau du néo-colonialisme. A l'époque moderne, on colonisait pour évangéliser les pauvres bougres à peine évolués, aujourd'hui on colonise les esprits pour leur apprendre à penser correctement.
Mais en Turquie comme ailleurs, le peuple est de moins en moins dupe. Ses particularités, il y tient. Et les avertissements sont chaque jour plus nombreux. Demandez donc au PS ce qu'il pense du résultat de la dernière législative partielle dans le Lot-et-Garonne...