dimanche 30 août 2015

Chine : krach ou pas krach ?

Salle de cotations à Huabei, province de Anhui, Chine.
Crédits photo : Xie Zenghyi/AP/SIPA/20minutes.fr

Bonjour à tous !

C'est le serpent de mer du moment. Les économistes tremblent, les patrons transpirent, les banques chancellent : le géant chinois connaît une très mauvaise passe boursière. Est-ce conjoncturel ou plus profond ? Doit-on avoir peur ? 

Les origines d'un mal profond

Depuis une vingtaine d'années, et l'éclatement d'une bulle économique au Japon qui continue encore de secouer le Pays du Soleil Levant aujourd'hui, la Chine a décidé d'assumer sans fard le leadership économique du plus vaste continent du globe. S'il ne s'agit pas d'énumérer par le menu les raisons de cet éveil, retenons simplement que les dirigeants chinois, Deng Xiaoping en tête, avaient, dès les années 80 et la fragilité avérée du géant soviétique, décidé d'évoluer vers un modèle de "capitalisme d'état" : on mettait en oeuvre les outils du développement économique mais on conservait la haute main sur le reste, à savoir un parti unique, l'interdiction de manifester ou de contester le pouvoir, un contrôle social strict etc.
Cet éveil chinois fut, à l'horizon de la crise mondiale de 2007-08, un réel motif d'espoir pour des Occidentaux encore secoués par l'arbre qu'ils venaient de prendre sur la tête. Alors que la croissance ne semblait plus être qu'un lointain souvenir, l'Empire du Milieu apparaissait comme le pays de cocagne rêvé. 
Toutefois, et c'est ainsi que fonctionne de plus en plus l'économie globalisée, la machine n'a pas tardé à s'emballer : des investissements massifs ont alors eu lieu, des délocalisations à foison dans le lointain Orient avec des symboles forts, comme l'usine Foxconn fabriquant à la chaîne le nouveau symbole absolu du capitalisme triomphant : l'iPhone.
Il est malheureux de constater, hélas, que les leçons ne sont jamais retenues d'une crise à l'autre : investir massivement sans garanties de production et donc de retours sur investissement ne peut donner lieu qu'à des bulles spéculatives qui finissent immanquablement par éclater. Prenons l'exemple de Google, valorisée à plus de 300 milliards US$, alors que c'est une entreprise qui ne produit rien. Elle n'a pas d'usine, pas de magasin, bref, elle ne conçoit aucun bien de consommation. Elle crée de l'immatériel, de l'intangible : un moteur de recherche performant (aux méthodes discutables du reste) et un système d'exploitation qui n'est pas disponible sous forme de logiciel disponible à la vente ; on ne peut l'obtenir qu'en achetant un appareil équipé avec Android. 
Mais revenons à nos moutons. La Chine, donc, fut l'objet d'investissements plantureux que le pays n'a pas pu digérer, la faute à un pays immense qui n'avait pas pris le temps de s'adapter à ce boom spectaculaire. Les investisseurs devaient donc faire face à de nombreux problèmes qui ont limité la portée de l'effet de mode chinois : infrastructures insuffisantes, personnels peu qualifiés, stocks difficiles à écouler sur place du fait d'un pouvoir d'achat insuffisant, sans compter l'obligation des joint-ventures : la Chine laisse l'entreprise X s'implanter à condition d'opérer un partage des technologies avec une entreprise du cru. De l'espionnage industriel forcé qui permet de voir débouler peu de temps après sur le marché des conceptions chinoises de qualité moindre.
Tous ces problèmes n'ont pas empêché le développement de l'économie du pays d'extrême-Orient, ce qui a permis à la monnaie locale, le Yuan, de s'apprécier sur le marché des changes. Une appréciation trop forte au vue de la réalité et des vicissitudes asiatiques.

Une correction des changes nécessaire

Cela faisait pourtant plusieurs mois que les signaux d'alerte étaient au rouge : la Chine est toujours coupée en deux, entre un Est sur-développé et un Ouest sous-développé, qui envoie ses paysans sur les routes dans un exode rural à l'issue incertaine, les chiffres de la production ne sont pas bons, la consommation des ménages ne suit pas à cause d'un pouvoir d'achat que le gouvernement ne fait rien pour améliorer et, pour couronner le tout, la Chine commet ses propres délocalisations, trouvant des pays aux salaires encore moins élevés que les siens autour d'elle. Ou comment scier la branche sur laquelle on est assis !
Alors voilà, dans cette deuxième quinzaine d'Août, à la fin d'un été particulièrement moite et pénible pour les organismes, le marché boursier a dévissé. Violemment. Dans un premier temps, il convient de rester lucide : ce genre de correction arrive souvent à cette époque de l'année, les actionnaires profitant des derniers jours avant la rentrée pour tenter de remettre à plat les dérives d'un marché de plus en plus incontrôlable. Et ils ont fini, eux aussi, par regarder les chiffres en s'apercevant d'une chose simple : le Yuan était sur-évalué par rapport à la qualité de la production chinoise, et il n'y avait donc plus aucune raison de continuer à suivre, même de loin, un taux de change avec le Dollar imposé par les Américains. Le Yuan a alors baissé brutalement, entraînant évidemment une crise de confiance en l'économie chinoise et une vente massive d'actifs boursiers par les investisseurs du coin.

Un phénomène parti pour durer

Il serait peut-être enfin temps, mais cela demeure un voeu pieux, que le libéralisme arrête de s'emballer pour des chimères et tienne davantage compte des réalités : si une entreprise vaut X euros, il est inutile de la valoriser dix fois plus. D'une part, cela oblige l'entreprise en question à faire une chasse aux coûts et à la rentabilité qui l'empêche de se concentrer sur sa production, et d'autre part lorsque l'on finit par s'apercevoir qu'elle ne vaut pas autant, notamment en évaluant et en quantifiant son stock et sa production, sa valeur s'effondre, souvient bien plus bas encore que sa valeur réelle, entraînant licenciements, dépôts de bilan, fuite des investisseurs, etc. 
2007 aurait dû être l'ultime avertissement pour un capitalisme à bout de souffle qui ne sait plus quoi inventer pour nous vendre un modèle unique et formaté que beaucoup de citoyens à travers le monde, pour des raisons très diverses, ne veulent plus : pillages des ressources, dommages environnementaux, saccage de droits fondamentaux (travail des enfants, salaires minables, conditions de travail indécentes), autant d'actes inadmissibles allant à l'encontre de ce que les peuples sont en droit d'attendre de la vie et des personnes qui les emploient.
Le phénomène de ce mois d'Août, qui devrait rester circonscrit dans le temps et l'espace, risque donc de se répéter maintes et maintes fois. Aux citoyens d'être vigilants et aux dirigeants de prendre des mesures afin de redonner à l'économie réelle les pleins pouvoirs.