Bonjour à tous !
On poursuit notre remontée dans le temps à travers l'Histoire de la Coupe du Monde de football. Aujourd'hui, je vous propose de nous intéresser à la décennie des années 50, capitale puisqu'il s'agissait de participer, à hauteur de ce que pouvait faire le football, à la reconstruction de l'après-guerre.
1950 : l'Uruguay fait pleurer tout un peuple
Comme un symbole, ce sont de nouveau 13 équipes qui mettent le cap sur le Brésil, grandissime favori de la compétition. La France n'est pas représentée mais l'Angleterre daigne enfin se mesurer à ses concurrents. La Turquie et l'Ecosse sont forfaits, mais l'Europe a d'autres arguments à faire valoir : la Yougoslavie, la Suède et l'Espagne sont de la partie, ainsi qu'une grande partie des équipes d'Amérique du Sud. L'Afrique est absente, tout comme l'Asie, l'Inde étant forfait de dernière minute à l'instar des Highlanders et des Ottomans. On se retrouve ainsi avec 4 poules déséquilibrées : les poules A et B comptent 4 équipes chacune, la poule C n'en compte que 3 et la poule D, simplement 2. Le règlement est simple : le premier de chaque groupe est qualifié pour le tour final, un mini-tournoi à 4 équipes dont le vainqueur remportera le trophée. On assiste alors à deux surprises : la première, c'est l'élimination du double-champion du Monde en titre italien, la seconde, c'est l'élimination des orgueilleux Anglais, battus deux fois en trois matchs dont une cinglante défaite contre leurs cousins Américains.
Lors du tour final, les Brésiliens se baladent contre l'Espagne et la Suède (6-1 et 7-1) et se retrouvent en position de force avec 4 points avant le dernier match contre l'Uruguay. La Celeste, quant à elle, ne compte que 3 points après une victoire et un nul. Seule une victoire contre le Brésil, au Maracana, devant 200 000 personnes, peut lui permettre de ramener le trophée à la maison. Las, le Brésil perdit 2-1 dans le dernier quart d'heure après avoir pourtant mené 1-0 depuis la 44e minute. 2 buts de Ghiggia et Schiaffino, le second nommé devenant rapidement une légende du foot, étant une des premières vedettes d'Amérique du Sud à venir exercer ses talents sur le Vieux Continent, à Milan notamment. Pour l'anecdote, les règlements étant plus souples à l'époque, il porta même le maillot de la Squaddra Azzura en fin de carrière avec 4 sélections, mais aucun but.
On raconte beaucoup de choses sur ce qui s'est passé après la finale, notamment que des gens seraient montés sur le toit du Maracana pour se suicider, ne supportant pas de voir leur équipe de coeur perdre ainsi. Ce n'est pas avéré mais ce qui est certain, c'est que le Brésil fut un pays en deuil des jours durant, surtout dans un contexte de déprime économique et de conflits politiques internes. Sans compter que l'Uruguay était une ancienne colonie brésilienne. Enfin, Barbosa, le malheureux gardien auriverde porta toute sa vie le poids de cette défaite, l'un des deux buts uruguayens étant considéré comme pouvant lui être imputé.
1954 : la Hongrie, symbole brisé
La Coupe du Monde revient en Europe, en Suisse plus précisément. Et cette année-là, une équipe terrifie ses adversaires : il s'agit de la Hongrie, emmenée par celui qui fut sans doute le meilleur joueur européen de l'Histoire, Ferenc Puskas (surnommé le Major Galopant) et par l'élégant et efficace buteur Sandor Kocsis. Sur les 16 partants, 12 sont européens (seuls le Brésil, l'Uruguay, la Corée du Sud et le Mexique viennent s'immiscer).
La FIFA, qui n'en était déjà pas à un règlement alambiqué près, décida encore d'innover après l'originalité du tour final de 1950. Dans chacune des 4 poules de 4 équipes, deux sélections sont désignées tête de série, en fonction de leurs résultats des dernières années. Ceci a pour effet de limiter le nombre de matchs à deux par équipe, sauf éventuel match d'appui pour déterminer une place qualificative (la différence de buts n'entrait pas encore en compte.) Vous n'avez rien compris ? Je doute que beaucoup de gens aient compris, même à l'époque. Toujours est-il que nos Bleus, désignés têtes de série, n'eurent pas à affronter le Brésil. Néanmoins, cette équipe en construction autour de Raymond Kopa ne put se qualifier en raison d'une défaite face aux Yougoslaves. Leur victoire face au Mexique ne suffit pas à les sauver et ils durent rentrer à la maison plus tôt que prévu. De son côté, la Hongrie se balade comme prévu, écrasant les Coréens 9-0 et la RFA 8-3 !!! (autre chose que les 1-0 ou les 2-1 de maintenant). A noter que l'Angleterre sort aussi des poules, mais se fera battre par l'Uruguay en quart, comme le Brésil, balayé 4-2 par...la Hongrie, évidemment. Finalement, en finale, la Hongrie retrouve la RFA et ouvre rapidement le score. Mais Puskas est blessé et ne peut jouer à 100%. Les remplacements ne sont pas encore autorisés et le Major trottine plus qu'il ne galope. La Hongrie ouvre le score, mais la RFA réplique et ne lâche pas, emportant la victoire, 3-2, à la surprise générale. A deux bémols près : primo, Puskas réussit malgré tout à marquer dans les arrêts de jeu, mais son but fut refusé pour un hors-jeu imaginaire et secundo, les Allemands étaient dopés à la pervitine pour cette finale, aussi appelée "drogue du soldat". Cela s'explique par la présence sur le banc de touche de Sepp Herberger, ancien dignitaire nazi.
Pour l'anecdote, la Hongrie se retrouva pour la dernière fois à ce niveau de maîtrise. La sélection perdit petit à petit de son lustre. Il faut dire qu'à cette époque, elle était le symbole de la résistance de tout un peuple contre l'impérialisme soviétique. On ne peut que déplorer que les Allemands mirent fin au rêve des supporters de foot de voir triompher cette équipe sublime. On ne le savait pas encore, mais les Allemands allaient, en quelque sorte, récidiver 20 ans plus tard, dans un contexte géopolitique heureusement plus léger.
1958 : La France pour une première ; et le foot découvrit son Dieu
On se retrouve cette fois en Suède, dont l'équipe nationale est l'une des favorites du tournoi, avec des joueurs du calibre de Gunnar Nordhal ou de Niels Liedholm, qui font les beaux jours du Milan AC. La RFA est la tenante du titre, et la France a un coup à jouer avec ses Rémois, Jean Vincent, Raymond Kopa (futur Madrilène) et bien sûr Just Fontaine. Enfin le Brésil fournit une belle équipe également dont Didi, Zagalo, ou encore Garrincha, petit ailier formidable dribbleur.
16 équipes sont sur la ligne de départ, 4 américaines et 12 européennes. Cette fois-ci, pas de tête de série : les 4 équipes se rencontrent dans chacun des 4 groupes et les deux premières jouent les quarts de finale. Le Brésil est la seule équipe non-européenne à s'être extirpée du 1er tour. C'est alors qu'un génie de 17 ans va faire son apparition sur le terrain, dans un match difficile contre le Pays de Galles. Pelé, c'est son nom, va inscrire le seul but du match. Conservé en réserve de la patrie par son coach, il va être l'élément-clé de son équipe. En demie, contre une vaillante équipe de France, il va ridiculiser nos malheureux Bleus : il marque un triplé et la Seleçao s'impose 5-2, avant de l'emporter sur le même score en finale contre la Suède, Pelé se contentant cette fois d'un doublé.
Le monde découvre alors, émerveillé, les facéties d'un gamin qui ne doutera jamais de rien, habité d'une pleine confiance en ses capacités footballistiques. Si beaucoup d'observateurs du ballon rond lui préféreront Maradona, notamment pour son côté rebelle, n'oublions pas que Pelé a joué à une époque où les matchs de foot étaient fort rares sur le petit écran, et qu'ils étaient diffusées en noir et blanc. Coincé dans son pays, il ne pourra jamais jouer en Europe du fait de la dictature militaire. Tout juste finira-t-il sa carrière au Cosmos de New York.
Concernant nos Bleus, ils jouèrent crânement leur chance : Jonquet, victime d'un attentat en demie contre le Brésil, ne pourra être remplacé, à cause du règlement empêchant les remplacements en cours de match. La France joua donc à dix tout le match avant de se défouler en match pour la 3e place, 6-3 contre le tenant allemand. Just Fontaine marqua 13 buts en 6 matchs, en faisant le meilleur buteur de la Coupe du Monde en une seule édition, un record qui ne sera sans doute jamais battu.
A suivre...