mardi 11 juin 2013

Décès de Clément Méric : tous responsables !

Bonjour à tous !

L'actualité de ces derniers jours a évidemment été marquée par le décès tragique de Clément Méric, tout jeune homme de 18 ans. J'ai longtemps hésité avant de vous faire part de mon opinion. Et puis j'ai décidé qu'il fallait prendre la plume. Un engagement est total et ne saurait se plier devant les difficultés constituées par la délicate analyse de ce drame.
La première chose qui me vient à l'esprit, c'est la récupération politique de cet évènement. Que cela vienne de la Gauche, qui accuse, ou de la Droite, qui se défend, les réactions ont été scandaleuses : un jeune garçon est mort, et on a plus parlé de "politique", si on peut appeler ça comme ça, que de compassion envers la famille. Celle-ci est d'ailleurs demeurée très digne car elle est restée invisible aux yeux des médias. Un comportement à saluer. J'insiste : il est honteux pour des responsables politiques de tout bord de commenter ce tragique accident plutôt que d'insister sur le soutien dont a nécessairement besoin la famille du disparu.
Evidemment, dans tout cet emballement nauséabond, la presse a une très grande part de responsabilité : trop heureuse de souffler sur les braises de l'opposition entre les extrêmes, en sortant ses éditorialistes du placard qui, pour la plupart, se sont prêtés à des explications vaseuses et hasardeuses (toujours dans le but d'attiser la haine), les médias ont contribué à la récupération politique de Clément Méric, érigé en symbole malgré lui. Or, en empiétant sur le deuil de ses proches, en en faisant un martyr, on le dépossède, lui et les siens, de ce qu'il fut. On prive ses parents de la pudeur nécessaire à leur chagrin.
Ce qui me marque également, c'est qu'un gamin de 18 ans soit "engagé" à ce point. J'emploie ce terme à dessein car, en France, être engagé c'est forcément être "de Gôche". Lui, faisait partie d'un syndicat étudiant d'extrême-gauche. C'est dire si il avait dû en vivre des vertes et des pas mûres pour en arriver là : sans doute qu'à 18 ans, il avait déjà eu le temps de subir la délocalisation de son outil de travail, l'obligation de signer un accord de compétitivité avec son patron pour bosser 40h/semaine payées 35, l'empoisonnement de ses poumons à l'amiante et voir le PDG de sa boîte se faire virer avec un parachute doré de plusieurs millions d'euros à la clé ! Pourquoi tant de sarcasmes ? Parce qu'à 18 ans, on a sûrement mieux à faire que de s'engager dans un syndicat étudiant, surtout à Sciences Po Paris où les seuls points d'achoppement doivent concerner le changement de la machine à expresso de la salle d'études ! A 18 ans, c'est l'âge des premières amours, des premiers émois, des discussions avec les copains à bâtons rompus. A 18 ans, les femmes nous intimident autant qu'elles nous excitent. A 18 ans, on joue jusqu'à plus d'heure à des jeux de société ou des jeux sur console, on construit sa culture en dévorant des bouquins. A 18 ans, on ferraille avec ses parents pour qu'ils payent la caution du 9m2 perdu quelque part dans le XIIIe, au 8e étage sans ascenseur. A 18 ans, on rit, on pleure, on se met en colère, on s'interroge ! Mais à 18 ans, on n'est sûr de rien. Et encore moins des idées politiques que l'on souhaite défendre. Car à cet âge-là, les émotions et les sentiments sont tellement exacerbés, les passions sont à un tel degré paroxystique que l'on ne sait à quel saint se vouer. C'est, entre autres, à ça que servait le Service Militaire : à canaliser cette force brute pour faire de cette joyeuse marmaille des hommes réfléchis et posés qui deviendraient des citoyens exemplaires, fiers de leur pays, et respectueux des valeurs de la République et de la Nation. Et donc des autres.
Fut une époque pas si lointaine où s'engager à 18 ans revenait juste à choisir quel métier on voulait faire plus tard avant de passer sous les drapeaux afin d'apprendre à y devenir un homme et, plus encore, un citoyen.
Aujourd'hui, ce rituel d'initiation n'existe plus. Ces pulsions qui existent au fond de chacun de nous, elles, demeurent. Sans filtre pour les contenir, désormais. Et lorsque la société connaît des tensions, comme c'est le cas en ce moment, difficile de pouvoir empêcher que cela ne dégénère au-delà du raisonnable. 
Il faut dire qu'en plus de ça, la société d'aujourd'hui est naturellement porteuse de violences : chômage en hausse, dette abyssale qui échoira aux plus jeunes, matrices urbaines toujours plus tentaculaires et déshumanisées, paysages ruraux en voie de dépeuplement, conflits culturels avec des nouveaux arrivants qui ne veulent plus s'assimiler mais se communautariser, hausse constante des divorces qui laissent des enfants livrés à eux-mêmes,... Autant de cicatrices profondes laissées dans notre vivre-ensemble.
Alors, non, la mort de Clément Méric n'est pas due qu'à un groupuscule de connards tatoués aux crânes rasés et aux idées putrides. Conjoncturellement, c'est une rencontre fortuite qui a dégénéré en bagarre qui a mal tourné. Structurellement, chacun de nous en est responsable. Non pas parce qu'on a porté un coup au visage de ce malheureux gosse ; mais parce qu'on se repaît de ce genre d'évènement diffusé en boucle par des médias requins, qui aiguisent sans retenue aucune notre besoin de chercher constamment un catharsis au mal-être qui existe en chacun de nous. Car nous sommes devenus des consommateurs ultra-passifs de l'actualité. Nous ne la faisons plus : nous la subissons !
Vous cherchez un coupable à la mort de Clément Méric : regardez-vous dans une glace. Et paix à son âme.
Amen.