mardi 18 décembre 2012

La Chine, colosse aux pieds d'argile

Lao Tseu par ETC Werner en 1922

Bonjour à tous !

Si la crise économique est toujours prégnante au quotidien, il est un pays où, en surface, tout va bien dans le meilleur des mondes. Ce pays, bien sûr, c'est la Chine. Nouvellement classée 2e puissance économique mondiale derrière les USA, mais devant le voisin japonais honni, le pays dispose, pour beaucoup, de nombreux atouts qui doivent faire d'elle, à terme, la puissance dominante du monde contemporain.
Comment ce pays, chantre du communisme et qui abandonna son régime impériale sous la férule féroce et charismatique de Mao, s'est-il converti avec un tel succès à l'économie de marché ? Cette réponse peut tenir en deux mots : autoritarisme étatique. Cela a commencé dans les années 90, puis s'est accéléré dans les années 2000. Ce fut une prise de conscience politique que la paix sociale devait s'acheter par une exceptionnelle réussite économique à même de doper la croissance et de développer un fort sentiment de fierté nationale à l'ensemble des Chinois. Car c'est bien connu, dans une dictature, seul un nationalisme exacerbé permet de faire diversion. 
Cela a commencé d'abord par un dumping social, économique et environnemental féroce afin d'attirer les différentes enseignes internationales. C'est, hélas, la face la plus noire de la mondialisation. Mais au-delà de cette image d'Epinal, les Chinois sont passés à l'échelon supérieur. Les grandes entreprises  internationales devaient, pour ouvrir une succursale en Chine, signer un contrat spécifique que l'on appelle dans le jargon un joint-venture, c'est-à-dire l'obligation pour le signataire occidental de s'associer à une entreprise chinoise et de lui enseigner ce qu'elle sait par le biais d'un transfert de technologie. Car c'est là le talent chinois : avoir su se rendre indispensable pour les grands groupes afin de les inciter à s'installer chez eux tout en apprenant leurs technologies, ou comment faire d'énormes économies en Recherche et Développement. Problème : ils copient, beaucoup (la contrefaçon est, avec la corruption, le sport national), mais évidemment n'arrivent pas à ressembler à l'original. C'est pour cela qu'à moins d'être passablement inconscient, acheter une voiture ou un téléphone portable chinois s'avère particulièrement hasardeux. L'autre volet de la puissance chinoise, c'est bien sûr son économie. Ayant flairé l'appétit consumériste de la cigale américaine et, dans une moindre mesure, de la cigale européenne, la plupart des Occidentaux vivant à crédit, la fourmi chinoise a acheté de la dette à l'Ouest en s'en goinfrant tant et plus. Le tout grâce à une réserve de trésorerie unique au monde (on parle de 3.000 Milliards $), si bien que l'on assiste du coup à une gigantesque partie de "je te tiens par la barbichette" : les Occidentaux peuvent faire revenir l'Empire du Milieu 30 à 50 ans en arrière en retirant leurs investissements, tandis que les Asiatiques peuvent plonger la plupart des pays occidentaux en faillite en décrétant soudain qu'ils veulent se faire rembourser leurs dettes. 
On assiste là à une vaste partie de poker menteur, qui a pris une autre dimension depuis l'adhésion récente de la Chine à l'Organisation Mondiale du Commerce. Là, les plaintes contre l'ogre extrême-oriental poignent avec timidité contre la concurrence déloyale chinoise. Mais personne n'ose vraiment mettre les pieds dans le plat, de peur de déclencher la fureur de cet allié aussi puissant qu'énigmatique. Car ce pays possède également une grande puissance militaire, détient l'arme nucléaire et est même capable d'envoyer des taïkonautes dans l'espace ! 
Le point de discorde le plus prononcé entre Chinois et Occidentaux, c'est la dévaluation compétitive du Yuan, la monnaie du pays. En maintenant sa monnaie à un niveau artificiellement bas, la Chine permet ainsi à ses exportations d'inonder le monde, et de renforcer encore son dumping. Et, en l'état, ce n'est pas près de changer. 
Toutefois, on peut se demander combien de temps cela va durer. Quelques signes tendent à démontrer que l'embellie chinoise tient plus de la parenthèse qu'à une inscription dans la durée. Tout d'abord, comme je l'ai évoqué plus haut, cette dépendance technologique qui fait que les Chinois ne sont rien sans les entreprises étrangères. Ajoutons à cela une grogne intérieure de plus en plus forte, le pays étant l'un des plus inégalitaires du monde. Les tensions sont palpables, dans un pays que l'on peut grossièrement couper en deux entre un Ouest très pauvre et rural et un Est de Cocagne et à la forte densité urbaine. Il y a aussi le problème du Tibet qui accroît chaque jour les remontrances de la communauté internationale. Et les revendications territoriales indues contre Taïwan et les Iles Senkaku. Si un conflit devait éclater avec les Japonais à propos de ces îles, inutile de dire que cela pourrait très vite dégénérer, tant les liens entre l'archipel nippon et ses alliés occidentaux sont forts. En outre, le pays commet une grosse erreur en voulant se moderniser à tout prix, quitte à massacrer son patrimoine : les images de la vieille ville de Pékin grandement rasée pour permettre la construction des infrastructures olympiques sont restées dans les mémoires. Et que dire de cet événement inattendu dont on a parlé il y a quelques jours : une maison encastrée dans une autoroute parce qu'un couple de braves personnes âgées avaient refusé de vendre leur bien avant d'y être contraint tant la situation était devenue intenable pour eux ! Enfin la Chine n'est pas épargnée par la crise économique : la croissance de son PIB annuel décroît légèrement. Oh, bien sûr, il ferait rêver n'importe quel autre pays avec un chiffre tournant autour de 8% par an, mais ce n'est plus la croissance à deux chiffres d'il y a quelques années. 
En se tournant d'ores et déjà vers l'Afrique, non pas comme partenaire, comme les Chinois voudraient le faire croire, mais comme territoire à exploiter, notamment sur le plan des matières premières, on constate tristement que le pouvoir en place est prêt à ne reculer devant aucune alternative pour asseoir son leadership. Du moins, tant que le peuple sera prêt à l'accepter. Car après tout, l'Histoire est là pour rappeler qu'une puissance qui étouffe son peuple finit souvent par le payer un jour ou l'autre au point de disparaître totalement des écrans radars...