vendredi 6 décembre 2013

Nelson Mandela, 1918-2013 : un Géant nous a quittés

Nelson Mandela, Cape Town, 1990
Crédits Photo : Walter Dhladhla/AFP/lefigaro.fr


Bonsoir à tous 

Il y a des moments heureux dans une vie. Des visages souriants d'anonymes, que l'on croise au détour d'une vie. Il y a des destins, certains s'inscrivant dans la joie, d'autres dans la peine. D'autres encore dans l'adversité. Ce soir, ce n'est pas un moment heureux. C'est un moment difficile pour le monde entier. Car il est rare de voir une personnalité provoquer à ce point le respect, l'unanimité autour d'elle dans le monde entier. Or, avec l'humilité qui le caractérise, Nelson "Madiba" Mandela a réalisé cet exploit, justement parce qu'il triompha avec brio d'une adversité retorse.
Plus qu'un citoyen, plus qu'un politique chevronné, plus qu'un résistant militant et convaincu, c'est un symbole qui nous quitte. Celui d'un homme qui croyait en ses convictions plus qu'en toute autre chose. Au point de sacrifier sa famille pour cette cause. Madiba était en prison lorsque l'un de ses fils s'est tué dans un accident de voiture. Il a eu trois femmes différentes. Et ce n'est qu'à 80 ans qu'il décida enfin de s'accorder le repos qu'il méritait plus que quiconque pour s'occuper des siens.
Le symbole incarné par l'enfant de Mvezo, où il est né (Province du Cap), c'est celui du pardon comme clé de réunification d'une nation abîmée dans la ségrégation raciale. Car on a tous en mémoire sa résistance à l'Apartheid, ce régime de la honte, ultime avatar d'une colonisation anglo-saxonne visant à un remplacement de population plus qu'à une coopération avec les autochtones. On conserve à l'esprit ses années de captivité à Robben Island et le fait qu'il fut le premier président noir d'un pays aux plaies béantes.
Mais le tour de force de Mandela, c'est d'avoir su pardonner. Il a pardonné à ses geôliers, et il l'a montré, par exemple, en acceptant d'avoir des Blancs dans son service de sécurité. Mandela a également réussi à donner une crédibilité économique à son pays en se servant du sport comme vecteur de développement. Tout le monde se souvient de son visage éclairé lorsqu'il remit la Coupe du Monde de rugby à François Pienaar, le capitaines des Boks, en 1995. L'Afrique du Sud est également le premier pays à avoir organisé une Coupe du Monde de football.
Il laisse la présidence en 1999 après un seul et unique mandat. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Un pays où un parti politique écrase les autres, l'ANC, où la corruption des élites fait rage, jusqu'à la présidence, et où les Noirs ont aujourd'hui un sentiment de revanche très fort envers les Blancs, dans un climat d'insécurité grandissant.
Vous me direz que je dresse là un tableau bien sombre, et c'est vrai. Peut-être est-ce pour ne pas voir cela que Madiba a choisi de nous quitter, de peur de voir son héritage bafoué. 
Il y aurait beaucoup à dire sur Nelson Mandela, né, comme un symbole, en 1918. Il connut ainsi la 2e Guerre Mondiale, la Guerre Froide et la Mondialisation, corollaire d'un monde redevenu multipolaire, comme au lendemain du Traité de Westphalie, en 1648. Témoin de son temps, témoin d'un monde qui aura autant évolué en si peu de temps, il serait regrettable que l'oeuvre de Mandela ne devienne qu'un mythe, une légende sans lendemain à cause de la haine, de l'esprit de revanche.
N'oublions jamais que le plus beau legs que Nelson Mandela nous laisse, c'est sa main tendue envers les tortionnaires du peuple noir de ce pays d'Afrique méridionale. Car plus qu'un geste, il témoigne d'une grandeur d'âme sans commune mesure, une véritable leçon pour tout à chacun. Reste l'espoir, ce même sentiment qui anima le coeur du prisonnier n° 46664 à Robben Island. Les Sud-Africains ont, à cet égard, une lourde tâche qui les attend. Qu'ils n'oublient pas que, désormais, un grand Homme les observe.
Repose en paix, Madiba.

mardi 3 décembre 2013

La Gauche française à la croisée des chemins : internationalisme ou patriotisme ?

Jacques Julliard, théoricien et historien de la Gauche française
Crédits Photo : Mathieu Riegler/Wikicommons

Bonjour à tous !
Ces dernières semaines est paru un ouvrage éclairant sur la Gauche française Les Gauches françaises. 1762-2012 : Histoire, politique et imaginaire chez Flammarion. L'auteur en est Jacques Julliard, homme de presse et essayiste. Un travail remarquable effectué par un homme qui ne l'est pas moins. Toutefois, il y a erreur de diagnostic dans son logiciel de décryptage, et cela m'a frappé lors de son intervention dans Le Point de cette semaine. Il fustige en effet dans son interview une Gauche française qu'il estime repliée sur elle-même, engoncée dans une sorte de nationalo-patriotisme de mauvais aloi qui ferait le jeu de ceux que l'hebdomadaire appelle abusivement "néocons" - alors qu'il s'agit de réactionnaires en réalité, mais ne nous égarons pas.
Le même Jacques Julliard, donc, nous explique que la Gauche française doit redevenir internationaliste, c'est-à-dire se tourner à nouveau vers l'Europe et avoir autant d'empathie pour le petit ouvrier bengalais que pour le fonctionnaire d'Oyonnax. 
C'est un point de vue. Après tout la misère est partout condamnable. Mais M. Julliard commet 2 erreurs dans son jugement. D'abord, la Gauche française n'a jamais été aussi internationaliste que maintenant. Après tout, s'inspirant de ce qui se fait "ailleurs", elle a légalisé le mariage homosexuel. Elle a continué obstinément à faire copain-copain avec Mme Merkel, dans l'exacte droite ligne de ce qu'avait fait le Président Sarkozy en son temps. Elle a bataillé ferme pour s'engager militairement en Syrie avant de se dégonfler comme une baudruche quand Barack Obama a froncé les sourcils. Elle est prête à valider les salles de shoot, l'abolition de la prostitution, la GPA... Autant de parti-pris sociétaux qui ont déjà été essayés dans ce fameux "ailleurs" qui est tellement mieux que cette France rance, conservatrice, aux relents racistes et, sainte horreur !, catholique (pensez donc, le catholicisme ne représente jamais que 1500 ans de notre Histoire depuis le baptême de Clovis mais passons). Et tout cela en continuant à faire des concessions aux entreprises, en ne faisant rien pour lutter contre les délocalisations ni les paradis fiscaux. Alors quand M. Julliard dit que la Gauche française ne prend pas suffisamment en compte le devenir du petit ouvrier bengalais, il se trompe lourdement : en réalité, elle lui fournit du travail. Celui des ouvriers français...
La deuxième erreur d'analyse du journaliste,  c'est de dire que la Gauche française n'a pas de destin patriotique. Et là encore, il se trompe. Rappelons qu'historiquement, ce sont ceux qui étaient pour l'exécution de Louis XVI qui se sont mis à gauche de l'Assemblée. Les mêmes qui, 200 ans plus tard, ont fait abolir la peine de mort. Détail délicieux de l'Histoire. Rappelons encore, comme je l'ai déjà évoqué sur ce blog, que la préférence nationale, honnie par les belles âmes, est une idée révolutionnaire. Tout comme le droit du sang ! La Gauche a donc toujours été patriotique, et pas qu'en France ! Il n'y a guère que Marx pour avoir cru en une idiotie de l'internationale ouvrière. Regardez l'URSS et le culte de la personnalité autour de Lénine et Staline. Regardez la Chine maoïste, aux relents plus nationalistes que jamais, en témoigne son activisme impérialiste en Mer de Chine. Contemplez Cuba et la Corée du Nord... Autant de dictatures, autant de manifestations ultra-nationalistes et en aucun cas internationalistes. 
Qui plus est, chaque fois que la Gauche française se tourne vers le monde, c'est pour tourner au fiasco. Ne sont-ce point Jaurès et Ferry, deux hommes de Gauche, qui défendirent une colonisation vilipendée par Clémenceau au nom de "l'éducation des sauvages ?".
La volonté, aujourd'hui, de cette Gauche de répandre partout la démocratie et les droits de l'Homme au nom d'un soi-disant humanisme est en fait l'application de la doctrine Kouchner-BHL, 2 belles âmes comme la France sait si bien en produire qui font la leçon. Mais qui ne font pas la guerre, eux. C'est mieux d'y envoyer les autres.
La France devrait donc arrêter avec ces sornettes internationalistes et se recentrer sur la elle-même, sur le peuple qui souffre, avec un chômage qui ne s'inverse pas, une croissance nulle et surtout, et c'est là le plus grave, aucune vision à long terme sinon celle de suivre rigoureusement la doxa bruxello-merkelienne.  Mais il est reconnu qu'il est toujours plus facile de faire la leçon aux autres plutôt que de commencer à balayer devant sa porte...