mercredi 20 novembre 2013

Equipe de France : au-delà de la récupération politique, il y a le foot !

Sakho et Benzema, ivres de joie
Crédits Photo : AFP/Le Figaro

Bonjour à tous !

On n'osait l'espérer mais les Bleus l'ont fait. En faisant preuve d'abnégation et de courage, ils ont su renverser la situation, très compromise dans ce barrage après la défaite 2-0 du match aller. Bravo aux héros du soir, Pogba, Sakho, Benzema, Ribéry ou Cabaye.
Toutefois, cela ne calmera pas les passions suscitées par cette équipe. On sent qu'elle est capable du meilleur comme du pire et rien ne laisse présager de son parcours à la prochaine Coupe du Monde, au Brésil, l'été prochain. Personne ne serait surpris de la voir éliminée au premier tour comme de la voir arriver en 1/2 finale en ayant signé un exploit ou deux au passage.
Ce groupe aurait sans doute fait, aux temps mythologiques, la fierté du Dieu Janus, cette entité aux deux visages. Mais pour en revenir au temps présent, il faut espérer que cette qualification homérique arrive à chasser 15 années de récupération politique de l'Equipe de France, et ce même si il y aurait encore beaucoup à accomplir pour faire franchir un cap décisif à notre football, notamment au sein de la FFF. Cependant, les réformes à appliquer à la gouvernance du ballon rond ne sont pas ma question du jour. Je préfère plutôt revenir sur ce qui, pour moi, est un scandale : avoir fait du XI tricolore un catharsis de la vie politique et sociale depuis 1998.
Souvenons-nous, le 12 Juillet de cette année-là, Zidane envoie la France au Paradis du sport et libère presque instantanément les belles âmes qui y voient là le triomphe de la France "Black Blanc Beur". C'était LA stupidité à ne pas commettre. Et ils l'ont fait en sautant à pieds joints dedans. D'abord sémantiquement, car il n'y avait pas que des Blacks, des Blancs et des Beurs dans cette équipe, mais il y avait aussi des Arméniens (Djorkaeff, Boghossian), un Italien (Candela), sans parler du fait que rassembler sous une même bannière "black" un Kanak (Karembeu), un Sénégalais (Vieira) ou un Guyanais (Lama), c'est au mieux de la bêtise, au pire de la malhonnêteté intellectuelle. 
Le comble fut d'ailleurs atteint dès le 13 Juillet avec une intervention d'un journaliste de Libération qui venait à regretter qu'il n'y eut pas d'Asiatique champion du Monde pour compléter ce brassage multiculturel.
Voilà donc à quoi était réduite cette confrérie de sportifs magnifiques qui venait d'offrir à la France son plus fort moment footballistique depuis le but de Boli à Munich en 1993 : un simple objet de propagande pour bobos branchouilles qui avaient toujours considéré jusque là le foot comme un sport de beaufs et de piliers de bar, bref, une passion de prolos sans intérêt.  Car il faut le dire, notre pays n'a pas la culture du "soccer" comme en Italie ou en Angleterre où celui-ci occupe une place de choix dans les conversations à tous les niveaux de la société. Non, en France, qui ne fait décidément rien comme tout le monde, ce loisir est destiné exclusivement aux couches populaires et s'impose d'ailleurs avec succès pour cette raison dans les villes laborieuses : Reims et sa Champagne rurale, St Etienne l'industrieuse ou Marseille et ses forçats dockers. Paris l'arrogante met plusieurs décennies avant d'avoir une équipe digne de ce nom, le PSG, implantée comme par hasard entre Boulogne et le XVIe, le coin ultra-chic de la Capitale, et reléguant par la même occasion l'historique Red Star 93 aux oubliettes. Tout un symbole pour ce club traditionnellement appuyé par le PCF.
Dans les années 80, l'équipe de France gagnait en proposant, qui plus est, le plus beau football de la planète avec le Brésil de Zico : 4e au Mondial 82, championne d'Europe et Olympique en 84 et 3e de la Coupe du Monde 86, cette équipe avait alors fière allure. Il y avait déjà, en son sein, des représentants de l'immigration assimilée : Amoros était d'origine espagnole, Platini d'origine italienne et Trésor un Antillais. Pourtant, personne ne se souciait à cette époque de cela : on ne voyait qu'un groupe uni dans le seul but de porter haut le maillot tricolore.
Alors pourquoi ce revirement en 98 ? Pourquoi cette récupération pour réduire ces 22 joueurs à un simple assemblage de communautés ? Et ce ne fut que le début : combien de sorties malvenues de Jean-Marie Le Pen sur le nombre de Noirs portant la tunique frappée du coq, de débats sur la Marseillaise et j'en passe ?
Sans doute, en partie, est-ce dû à deux phénomènes : l'incroyable inflation des salaires dans le foot, créant une véritable bulle qui pèse telle une épée de Damoclès au-dessus de la FIFA, et qui permet à des joueurs même médiocres de gagner une fortune. Le tout renforcé par une éducation souvent sujette à questionnement tant l'arrogance et l'immodestie gangrènent, malheureusement, ces messieurs. Et puis l'autre raison c'est qu'à l'époque de Platini, ou de Kopa pour les plus nostalgiques, il était exceptionnel d'avoir des joueurs évoluant à l'étranger : Platini jouait à la Juve, Kopa au Real mais cela restait des épiphénomènes. Tandis qu'en 98, il fallait s'y reprendre à deux fois pour trouver des acteurs de la L1 sur le terrain. Un phénomène qui perdure depuis. Ce qui tend à fragiliser l'esprit de groupe et renforcer les corporatismes au sein d'un collectif parfois fragile et qui nous amena au paroxysme du ridicule à Knysna, en 2010.
Je crois qu'il est grand temps aujourd'hui, après ce très beau succès, de remettre l'équipe de France de foot à la place qui lui revient, celle du sport, et rien que du sport. Faire des commentaires politiques, sociologiques ou autres pour tenter d'expliquer, tantôt les succès, tantôt l'infortune de cette équipe afin de servir des intérêts partisans ne lui rend pas service, bien au contraire. 
Souvenons-nous que les Jeux Olympiques furent créés dans l'esprit de créer une trêve militaire entre les nations participantes. Par extension, appliquons cette sage volonté au football pour éviter à l'avenir des amalgames malheureux qui détournent les Français de véritables préoccupations autrement plus importantes. Car ce n'est pas Benzema qui décide de la politique fiscale, Lloris de la Justice ou Valbuena de l'industrialisation du pays. Ne l'oublions plus à l'avenir lorsque nous pestons contre un centre raté de Patrice Evra (il ne pouvait y couper, c'est mon petit côté mesquin...)