mardi 27 août 2013

Syrie : quand le fantôme de Saddam ressurgit

Bonjour à tous !

Alors que la rentrée pointe le bout de son nez, les dossiers ne manquent pas pour le Gouvernement : l'Education, bien sûr, puisque elle sera au coeur de l'actualité ces deux prochaines semaines ; la Justice, avec la réforme Taubira ; l'Economie, alors que l'INSEE annonce une énième hausse consécutive du chômage ; le Social, avec la réforme attendue et crainte des retraites ; et enfin, l'International, avec la situation en Syrie qui semble tous les jours prendre un tournant plus dramatique.
Avant d'aller plus loin dans mon raisonnement, soyons clairs : je condamne fermement la riposte d'El-Assad envers ses opposants. Néanmoins, personne n'a le droit de l'empêcher de diriger son pays comme il l'entend, renvoyant ainsi à toute son inutilité la pitoyable communauté internationale et son joujou dispendieux : l'ONU.
A l'heure actuelle, deux clans s'opposent à l'échelle du Monde sur la réponse à apporter la crise syrienne : le clan de l'attente, de la realpolitik, et du respect inconditionnel du principe de souveraineté incarné par la Russie (qui prend chaque jour plus de poids dans cette problématique) et la Chine. D'un autre côté, les partisans d'un interventionnisme ingérant et envahissant venant de pays qui n'ont jamais peur d'être ridicules en croyant dispenser la bonne parole : la Grande-Bretagne et les USA. Au milieu de tout cela, le cinquième membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU qu'est la France. La France qui hésite, qui renâcle, la France qui sort tout juste d'une intervention armée ultra-rapide et pleine de succès au Mali, la France qui est coincée parce qu'elle fait partie à part entière de l'OTAN, la France qui a réduit son budget militaire à peau de chagrin tout en déléguant ses décisions en la matière à l'Oncle Sam... Bref, vous cernez la complexité de ce noeud gordien.
La France adorerait y aller. Car ce qu'aime par-dessus tout notre classe dirigeante, à commencer par les "humanistes" qui nous gouvernent, c'est de donner des leçons d'égalité et de liberté à travers le Monde. Ils ont fini leur mission en France en faisant adopter le "Mariage pour Tous", alors ils ont décidé d'aller prêcher la bonne parole à l'international. Comme leurs aînés Jaurès ou Ferry l'avaient fait avant eux en colonisant l'Afrique Subsaharienne au mépris de l'incrédulité de leurs opposants de Droite, au premier rang desquels se trouvait le Tigre, Clémenceau. 
Le problème, c'est que Sarkozy est déjà tombé dans ce piège droitdelhommiste en Libye. Et quand on constate aujourd'hui le résultat - un chaos indéfinissable - on se dit qu'il aurait mieux fait de s'abstenir. Mais voilà, non content de parader en dépit de son échec, le clan des bien-pensants, emmenés par le Croisé BHL, repart de plus belle sur la Syrie. L'éditorial du Monde daté d'aujourd'hui ne dit pas autre chose, et même Hollande semble cette fois convaincu : il faut punir le méchant Bachar. Et tant pis pour les conséquences ! Tant pis si, en le faisant partir, on facilite l'accession au pouvoir des islamistes radicaux qui sèment aujourd'hui la terreur en Tunisie ou en Egypte, avec la menace d'une guerre civile à la clé, semblable à celle qu'a connue l'Algérie dans les années 90. Tant pis si, pris de folie, le dictateur de Damas décide de s'en prendre au bouc-émissaire idéal de la région qu'est Israël. Tant pis si le traditionnel allié chiite iranien prend fait et cause pour le parti Baas et décide de se lancer lui aussi dans le conflit alors que plus personne ne doute aujourd'hui qu'il dispose de l'arme nucléaire, ou, du moins, qu'il est proche de l'obtenir. Tant pis, enfin, si se lancer dans pareille aventure ravivera le douloureux fantôme de la 2e Guerre du Golfe. 
Car c'est bien là, la vraie question. Rappelez-vous, c'était il y a 10 ans. Fous de douleur après les attentats du 11-Septembre, les Américains avaient à tout prix recherché un coupable. Alors ils s'en étaient pris à leur "dictateur préféré", Saddam Hussein, qu'ils n'avaient eu aucun mal à faire partir ou à faire condamner....mais toutes les peines du monde à remplacer par un gouvernement stable, chose aujourd'hui encore inexistante dans un pays ravagé par les attentats. A l'époque, la voix forte de la France s'était fait entendre pour ne pas tomber dans le panneau d'une guerre évitable. Tout le monde garde en mémoire la rare éloquence de Dominique de Villepin au siège de l'ONU. Tout le monde avait traité les Américains de va-t-en-guerre, les accusant de mépriser le droit international. Et pourtant, Saddam n'avait rien de différent d'avec Bachar : lui aussi avait gazé des milliers d'innocents, lui aussi opprimait les minorités (iraniennes et kurdes dans son cas, sunnites et chrétiennes dans le cas d'aujourd'hui) et lui aussi était un redoutable dictateur.
Alors, voici la question que nous devrions tous nous poser : tandis que les Américains avaient l'excuse de la douleur et de l'esprit de revanche, quelle excuse trouverons-nous demain lorsque nous déciderons d'aller régler son compte à ce méprisable personnage ? Au nom de quoi ce qui n'était pas bien il y a 10 ans le serait soudainement devenu en 2013 ? Et quels éléments nous permettent de croire en la folle utopie que le bourbier irakien ne deviendra pas le bourbier syrien ?
Vous voulez une réponse à ces questions ? Elle est simple : regardez donc la crise économique qui continue de nous frapper, plus fortement et plus durement que jamais. Elle n'est pas prête de s'éteindre, loin s'en faut malheureusement. Alors, comme toujours dans ces cas-là, de manière immuable, l'Homo Occidentalis s'en va prendre son épée pour châtier, au choix, le sous-homme, l'infidèle ou le barbare. Comme à chaque fois ses premiers succès lui donneront l'illusion d'une victoire facile avant de rapidement déchanter. Et quand il s'en apercevra, il sera trop tard. Mais il s'en moquera, car il aura alors assouvi sa rage, qu'il couvait depuis si longtemps...