Jean-Marc Ayrault à la tribune de
l'Assemblée Nationale
Bonjour à tous !
Ca y est, le Premier Ministre a déclamé son discours de politique générale. Une longue litanie d'efforts à produire, de réformes de société à mettre en travaux, etc. Outre que le personnage n'a pas le charisme d'un Churchill (mais ce n'est pas pour ça que Matignon lui a été confié), il a du mal à convaincre. Beaucoup de mal, même. D'ailleurs l'extrême gauche s'est abstenu de lui voter sa confiance au moment du vote qui, traditionnellement, suit le discours.
Pourquoi cette défiance ? D'abord, parce qu'il faut appeler un chat un chat : la politique économique qui va être mise en place est une politique de rigueur. Le problème, c'est que le gouvernement actuel a autant de mal à prononcer ce mot que l'équipe précédente. Ce qui a fini par lui coûter cher. Passe encore. Mais pour le Front de Gauche, ce qui ne passe pas, c'est qu'en 1981, il y avait d'abord eu une politique de relance avant le tournant de la rigueur de 1983. Petite nuance toutefois : il y avait des ministres communistes dans le gouvernement de l'époque. Qui plus est, la situation économique d'il y a trente ans, bien que morose, n'était pas aussi dégradée qu'aujourd'hui.
Et puis, il s'agit de s'attarder sur la politique budgétaire de l'année à venir plus en détails. Au programme : hausse d'impôts, règle d'or et tutti quanti.
La hausse d'impôts d'abord : une contribution exceptionnelle de l'ISF de 2.3 Mds d'euros va être levée cette année. Cette mesure va devoir subir un tour de passe-passe juridique pour éviter d'être déclarée anticonstitutionnelle (car on ne peut pas faire payer deux fois le même impôt dans la même année !). Formidable, me direz-vous cependant, on taxe les plus riches et on épargne les plus modestes. Tel Robin des Bois, notre Premier Ministre est le Ayrault des temps modernes. Que nenni, mes bons amis, hélas ! Si cela avait été si simple, cela se saurait. Car Matignon ignore sciemment un point de détail qui a pourtant toute son importance : dans un monde comme celui d'aujourd'hui, ouvert comme jamais depuis la signature de l'accord de Schengen (mis en oeuvre par Mitterrand, rappelez-vous, c'était en 1986...), les biens, les personnes mais aussi les finances peuvent facilement s'exiler et s'expatrier vers le moins-disant fiscal. Lorsqu'il y a quelques jours, le Premier Ministre britannique, David Cameron, a déclaré vouloir dérouler le tapis rouge aux Français voulant fuir la trop lourde imposition de notre pays, il a exactement mis le doigt là où ça fait mal : aujourd'hui, les pays de l'UE, loin de se serrer les coudes, se tirent la bourre et se concurrencent. Pourquoi tant de haine me demanderez-vous ? Mais parce qu'il n'y a pas de nation européenne, qu'il n'y en a jamais et eu et qu'il n'y en aura jamais. Déjà à l'époque, il y a de cela 2000 ans et avec bien moins d'habitants qu'aujourd'hui, Rome avait échoué à unifier l'Europe, malgré sa puissance militaire. Napoléon s'y était cassé les dents de la même façon. Alors aujourd'hui, sans armée mais simplement par le biais de la diplomatie, pensez donc ! Entre la chute du Mur, qui a mis à jour les économies à la fois fragiles et voraces d'Europe de l'Est, la zone méditerranéenne qui vit au-dessus de ses moyens en "oubliant" de régler ses impôts et en perdant toute son industrie, et une Europe du Nord à la vertu rigoureuse digne des plus puritains des Calvinistes, ça ne peut pas marcher !
Bref, la hausse des impôts (et je ne parle même pas de la fameuse et ridicule tranche des 75%) va entraîner un exode fiscal massif des particuliers et des entrepreneurs que le pouvoir en place ne pourra que constater.
Quant à la règle d'or budgétaire, Hollande a fini par se la faire imposer par Merkel en échange d'un volet sur la croissance dans le pacte de stabilité européen du 37e sommet de la dernière chance. Il est important ici de faire une analyse sémantique pointue : d'abord, la règle d'or, Hollande et le PS n'en voulaient pas quand Sarkozy l'évoquait. En plus, si le Président songeait à l'inscrire dans la Constitution, comme le souhaiterait l'Allemagne, il n'aurait que deux solutions : soit la majorité des 3/5e du Parlement réuni en Congrès, ce qui n'est pas le cas. L'UMP pourrait voter pour mais, évidemment, on peut compter sur eux pour savonner la planche des Socialistes. Soit recourir à un référendum. Problème : après avoir perdu la souveraineté sur sa monnaie, il serait alors question pour la France de perdre la souveraineté sur son budget. Et on sait qu'en matière de souveraineté, les Français sont, heureusement et n'en déplaise à ses gouvernants, plutôt tatillons, comme en témoigne le "Non" au Référendum de 2005. Voilà notre bon président dans une impasse normale.
Quant à la croissance inscrite dans ce fameux pacte, qu'est-ce là ? Bien évidemment pas une relance keynésienne à coups de milliards, mais plutôt une croissance à l'anglo-saxonne à base de déréglementation du droit du travail, baisse des charges sociales et précarité accrue pour les salariés. Oh, bien sûr, vous objecterez sûrement doctement, et non sans raison, qu'il a été question de 120 Mds d'euros de provision pour la croissance. Mais cette somme avait déjà été prévue sur un autre poste du budget européen : on a donc déshabillé Pierre pour habiller Paul. Habile enfumage !
Il est grand temps que le PS réfléchisse à une meilleure solution que la simple hausse d'impôts ou autres mesures contre-productives, comme le fait de fiscaliser à nouveau les heures supplémentaires, dispositif particulièrement favorable aux ouvriers. Mais il est vrai que cela fait bien longtemps qu'un élu socialiste ne sait plus à quoi ressemble un ouvrier.
Fort heureusement, le preux chevalier Montebourg est là pour défendre les derniers vestiges de l'industrie française. Lui qui est un chantre de la démondialisation n'a pas fini d'avaler des couleuvres.
Mais puisqu'on vous dit que tout ceci est normal.... !!!!
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