jeudi 5 juillet 2012

Economie : le Gouvernement Ayrault et la quadrature du cercle budgétaire

Jean-Marc Ayrault à la tribune de 
l'Assemblée Nationale

Bonjour à tous !

Ca y est, le Premier Ministre a déclamé son discours de politique générale. Une longue litanie d'efforts à produire, de réformes de société à mettre en travaux, etc. Outre que le personnage n'a pas le charisme d'un Churchill (mais ce n'est pas pour ça que Matignon lui a été confié), il a du mal à convaincre.  Beaucoup de mal, même. D'ailleurs l'extrême gauche s'est abstenu de lui voter sa confiance au moment du vote qui, traditionnellement, suit le discours. 
Pourquoi cette défiance ? D'abord, parce qu'il faut appeler un chat un chat : la politique économique qui va être mise en place est une politique de rigueur. Le problème, c'est que le gouvernement actuel a autant de mal à prononcer ce mot que l'équipe précédente. Ce qui a fini par lui coûter cher. Passe encore. Mais pour le Front de Gauche, ce qui ne passe pas, c'est qu'en 1981, il y avait d'abord eu une politique de relance avant le tournant de la rigueur de 1983. Petite nuance toutefois : il y avait des ministres communistes dans le gouvernement de l'époque. Qui plus est, la situation économique d'il y a trente ans, bien que morose, n'était pas aussi dégradée qu'aujourd'hui.
Et puis, il s'agit de s'attarder sur la politique budgétaire de l'année à venir plus en détails. Au programme : hausse d'impôts, règle d'or et tutti quanti
La hausse d'impôts d'abord : une contribution exceptionnelle de l'ISF de 2.3 Mds d'euros va être levée cette année. Cette mesure va devoir subir un tour de passe-passe juridique pour éviter d'être déclarée anticonstitutionnelle (car on ne peut pas faire payer deux fois le même impôt dans la même année !). Formidable, me direz-vous cependant, on taxe les plus riches et on épargne les plus modestes. Tel Robin des Bois, notre Premier Ministre est le Ayrault des temps modernes. Que nenni, mes bons amis, hélas ! Si cela avait été si simple, cela se saurait. Car Matignon ignore sciemment un point de détail qui a pourtant toute son importance : dans un monde comme celui d'aujourd'hui, ouvert comme jamais depuis la signature de l'accord de Schengen (mis en oeuvre par Mitterrand, rappelez-vous, c'était en 1986...), les biens, les personnes mais aussi les finances peuvent facilement s'exiler et s'expatrier vers le moins-disant fiscal. Lorsqu'il y a quelques jours, le Premier Ministre britannique, David Cameron, a déclaré vouloir dérouler le tapis rouge aux Français voulant fuir la trop lourde imposition de notre pays, il a exactement mis le doigt là où ça fait mal : aujourd'hui, les pays de l'UE, loin de se serrer les coudes, se tirent la bourre et se concurrencent. Pourquoi tant de haine me demanderez-vous ? Mais parce qu'il n'y a pas de nation européenne, qu'il n'y en a jamais et eu et qu'il n'y en aura jamais. Déjà à l'époque, il y a de cela 2000 ans et avec bien moins d'habitants qu'aujourd'hui, Rome avait échoué à unifier l'Europe, malgré sa puissance militaire. Napoléon s'y était cassé les dents de la même façon. Alors aujourd'hui, sans armée mais simplement par le biais de la diplomatie, pensez donc ! Entre la chute du Mur, qui a mis à jour les économies à la fois fragiles et voraces d'Europe de l'Est, la zone méditerranéenne qui vit au-dessus de ses moyens en "oubliant" de régler ses impôts et en perdant toute son industrie, et une Europe du Nord à la vertu rigoureuse digne des plus puritains des Calvinistes, ça ne peut pas marcher ! 
Bref, la hausse des impôts (et je ne parle même pas de la fameuse et ridicule tranche des 75%) va entraîner un exode fiscal massif des particuliers et des entrepreneurs que le pouvoir en place ne pourra que constater. 
Quant à la règle d'or budgétaire, Hollande a fini par se la faire imposer par Merkel en échange d'un volet sur la croissance dans le pacte de stabilité européen du 37e sommet de la dernière chance. Il est important ici de faire une analyse sémantique pointue : d'abord, la règle d'or, Hollande et le PS n'en voulaient pas quand Sarkozy l'évoquait. En plus, si le Président songeait à l'inscrire dans la Constitution, comme le souhaiterait l'Allemagne, il n'aurait que deux solutions : soit la majorité des 3/5e du Parlement réuni en Congrès, ce qui n'est pas le cas. L'UMP pourrait voter pour mais, évidemment, on peut compter sur eux pour savonner la planche des Socialistes. Soit recourir à un référendum. Problème : après avoir perdu la souveraineté sur sa monnaie, il serait alors question pour la France de perdre la souveraineté sur son budget. Et on sait qu'en matière de souveraineté, les Français sont, heureusement et n'en déplaise à ses gouvernants, plutôt tatillons, comme en témoigne le "Non" au Référendum de 2005. Voilà notre bon président dans une impasse normale.
Quant à la croissance inscrite dans ce fameux pacte, qu'est-ce là ? Bien évidemment pas une relance keynésienne à coups de milliards, mais plutôt une croissance à l'anglo-saxonne à base de déréglementation du droit du travail, baisse des charges sociales et précarité accrue pour les salariés. Oh, bien sûr, vous objecterez sûrement doctement, et non sans raison, qu'il a été question de 120 Mds d'euros de provision pour la croissance. Mais cette somme avait déjà été prévue sur un autre poste du budget européen : on a donc déshabillé Pierre pour habiller Paul. Habile enfumage !
Il est grand temps que le PS réfléchisse à une meilleure solution que la simple hausse d'impôts ou autres mesures contre-productives, comme le fait de fiscaliser à nouveau les heures supplémentaires, dispositif particulièrement favorable aux ouvriers. Mais il est vrai que cela fait bien longtemps qu'un élu socialiste ne sait plus à quoi ressemble un ouvrier.
Fort heureusement, le preux chevalier Montebourg est là pour défendre les derniers vestiges de l'industrie française. Lui qui est un chantre de la démondialisation n'a pas fini d'avaler des couleuvres. 
Mais puisqu'on vous dit que tout ceci est normal.... !!!!

Crédits photo : Philippe WOJAZER/REUTERS

mardi 3 juillet 2012

Football : l'arrêt Bosman m'a tuer

Bonjour à tous !

Cela ne vous aura pas échappé, tant l'événement aura fait la Une de toutes les gazettes, l'Espagne est donc rentrée dans la cour des très grands Dimanche dernier. La Furia Roja (enfin un surnom d'équipe original !) est en effet devenue la première équipe à réaliser le triplé Euro-Coupe du Monde-Euro, devenant au passage la première équipe à conserver son titre acquis lors du précédent Euro. La RFA de Beckenbauer, la France de Platini ou les Pays-Bas de Van Basten avaient tous échoué.
Quelles sont les raisons de ce succès ? Au-delà d'une politique de formation très louable basée sur la formation de petits gabarits à l'endurance et à la technique au-dessus du lot, on peut déjà remarquer que l'essentiel de l'effectif titulaire joue au Barça et y a été formé (Piqué, Busquets, Xavi, Iniesta, Fabregas notamment). On notera aussi l'excellent travail du sous-médiatisé Del Bosque, premier entraîneur à réaliser le triplé Ligue des Champions (ce qui ne l'avait pas empêché de se faire virer par le Real Madrid !), Coupe du Monde, Euro. On notera notamment qu'à l'inverse d'un Aimé Jacquet qui est parti sur un succès, Del Bosque, lui, a eu le courage de rester et de remettre en question sa tactique de jeu. Avec le succès qu'on lui connaît aujourd'hui.
Finies, également, les querelles internes entre Madrilènes et Catalans : tout le monde joue dans le même sens pour le bien de l'équipe, à l'image du duo Ramos-Piqué qui ne s'apprécie pourtant pas outre mesure.
Ce succès est bien entendu à mettre en perspective avec le relatif échec de l'Equipe de France ou de celui des Pays-Bas. Deux équipes traditionnellement placées dans les hautes sphères du foot international et qui ont peiné durant cet Euro. On évitera ici de s'attarder sur les raisons morales, psychologiques voire éducatives de cet échec pour s'intéresser à un autre facteur : ce sont deux équipes dont la majeure partie de l'effectif joue à l'étranger, victimes du pillage incessant des grands clubs espagnols, anglais ou italiens depuis le début de l'arrêt Bosman.
Ce dernier facilite la libre circulation des joueurs dans l'Union Européenne, fragilisant les pays formateurs dénués de moyens substantiels pour conserver leurs pépites pour le plus grand bénéfice des prédateurs, mieux armés financièrement. Le Real Madrid, Manchester City ou l'Inter Milan sont, et la liste n'est pas exhaustive, des spécialistes de l'exercice. Alors que l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne et, dans une moindre mesure, le Portugal comptent 75% de leur effectif issus du championnat national, il s'avère que pour la France et les Pays-Bas, la donne est différente.
Ce qui avait fait à l'époque le succès de l'équipe de France sous l'ère Jacquet s'avère aujourd'hui un échec retentissant. Pourquoi ? Parce qu'à l'époque seuls les excellents joueurs partaient à l'étranger, souvent à 25-26 ans, après avoir effectué déjà une belle carrière dans l'Hexagone. Partir à l'étranger leur apportait une réelle bonification car ils étaient armés pour cela. Alors que maintenant, il suffit d'avoir réalisé 3 ou 4 bons matchs d'affilée pour se retrouver sous l'oeil des recruteurs étrangers et quitter la patrie parfois à 18, 19 ou 20 ans !
Comment voulez-vous que, par la suite, ces gamins, surpayés par rapport à leur vraie valeur, qui se retrouvent avec le maillot d'un pays dont ils ont depuis longtemps oublié les us et coutumes, se reconnaissent dans l'intérêt supérieur de la sélection nationale ? Les Pays-Bas avec Robben, la France avec Nasri, sont deux pays qui sont devenus des éleveurs de mercenaires pour des clubs sans scrupules. 
Longtemps les Brésiliens ont été également victimes de ce pillage. Mais le renouveau économique du pays permet à ses clubs d'avoir de meilleurs arguments pour retenir ses plus grands joueurs, comme Neymar ou Ganso. 
L'autre effet pervers, c'est bien entendu la bulle spéculative qui entoure le monde du ballon rond : de plus en plus de clubs se sont endettés pour payer des indemnités de transfert et des salaires toujours plus élevés à toujours plus de joueurs qui étaient pour la plupart juste bons, et non exceptionnels. Du coup, à l'aune du fair-play financier voulu par Platini (qui aura enfin eu une bonne idée !), de nombreux clubs se retrouvent sous le coup de lourdes sanctions. Il est plus que temps que le football recouvre la raison pour ne pas scier la branche sur laquelle il est assis. Des mesures simples comme l'obligation de disposer dans son effectif professionnel de 50% de joueurs formés au club et de 80% de joueurs sélectionnables pour la sélection nationale du championnat dans lequel ils évoluent seraient des mesures de bon sens permettant l'instauration d'un système gagnant-gagnant entre les clubs et les équipes nationales. Cela permettrait aussi aux supporters de s'identifier à nouveau aux joueurs de leurs clubs. Un salary cap, adapté du modèle existant dans le sport américain, pourrait aussi voir le jour. Ramenons le ballon rond dans le droit chemin pour qu'il redevienne un spectacle divertissant et populaire.
Sinon, comme dans le domaine économique, la mondialisation et l'Europe auront eu raison du sport le plus populaire du monde !

Crédit photo : Panoramic