mardi 7 octobre 2014

Le chiffre du moment : 2000 milliards d'euros

Bonjour à tous !

C'est tombé cette semaine, comme une sentence : 2000 milliards d'euros, c'est le montant de la dette française. Environ 35 000 euros par Français. Des chiffres vertigineux, qui donnent le tournis, voire la nausée. Explications et décryptage.

L'origine de la dette

1973 : première crise pétrolière à cause de la Guerre du Kippour qui embrase le Moyen-Orient. La France, comme tant d'autres pays industrialisés, est très dépendante du pétrole de cette région et doit donc s'endetter pour permettre aux voitures, avions, camions... de rouler (ou de voler). Ce sera la dernière fois que le budget du pays sera à l'équilibre. Comme un symbole, Georges Pompidou meurt quelques mois plus tard, lui qui fut, avec le Général De Gaulle, le grand artisan de la reconstruction industrielle de la France d'Après-Guerre. Valéry Giscard d'Estaing, énarque, technocrate passionnément pro-européen, est élu en 1974 face à François Mitterrand. C'est le début de la lente, mais continuelle, pente qui amène notre pays à s'endetter. Ajoutons à cela un détail d'importance : début 1973, une loi est votée qui interdit désormais à la Banque Centrale française de refinancer gratuitement l'économie du pays. En limitant le recours à la planche à billets, on espère ainsi museler l'inflation, sauf qu'avec la fin des Trente Glorieuses, et la ruine économique et morale de Mai 68, c'est surtout le spectre de la déflation qui menace dans l'ombre.

L'Europe comme coefficient multiplicateur de la dette

En signant l'Acte Unique visant à instaurer une monnaie commune, le SME (Système Monétaire Européen), le Président Mitterrand limite encore un peu plus les marges de manoeuvre économique du pays. D'autant qu'après une timide politique de relance qui tombe à l'eau, la politique de rigueur instaurée par Pierre Mauroy, puis prolongée et renforcée par son successeur à Matignon, Laurent Fabius, achève de plomber le pouvoir d'achat des ménages. Sans consommation, plus, ou peu de croissance, et les déficits continuent de filer.
En 1993 avec l'entrée en vigueur de Maastricht, et à plus forte raison en 2002 avec la mise en circulation de l'Euro, la France perd toute souveraineté sur sa politique monétaire. Il devient impossible de se refinancer auprès de sa Banque Centrale, même en payant des intérêts. Dorénavant, il faut aller chercher des investisseurs, et donc des créanciers, directement sur les marchés financiers. L'Euro se présentant d'emblée comme une monnaie forte, sûre, stable, elle attire la confiance des traders qui encouragent leurs clients à acheter de la dette européenne, française y compris. Vous avez donc compris ici la perversion du système : sous couvert d'une monnaie forte qui est supposée protéger notre pays ainsi que ses petits camarades des injonctions des marchés qui spéculeraient à tort et à travers sur notre monnaie, nous nous retrouvons finalement avec des dettes colossales auprès de fonds de pension, riches rentiers, et autres obscurs rats du boursicotage à courte vue. L'Europe a donc achevé de creuser nos déficits.

Sarkozy et Hollande, nos fossoyeurs

Lorsqu'il est élu en 2007, Sarkozy s'empresse d'aller voir Angela Merkel en lui signifiant clairement qu'il n'avait aucune intention de mettre un terme au creusement des déficits. Il commet ici la même erreur que Jospin 10 ans plus tôt : l'ancien Premier Ministre socialiste a bénéficié, durant la quasi-totalité de son quinquennat, d'une croissance supérieure à 2%. Un eldorado inconcevable aujourd'hui. Et il n'en a pas profité pour réduire les déficits. En 2007, quelques mois avant le début de la crise des Subprimes, Sarkozy a encore une croissance supérieure à 1%. Il aurait dû, lui aussi, en profiter pour entamer des réductions de dépenses : fin de l'AME, suppression des régions au profit des départements, réduction des dotations aux associations-lobbys, baisse de la participation financière au G20, à l'UE et autres fumisteries supra-nationales, sans compter, quelques mois plus tard, le renflouement scandaleux des banques qui a achevé de grever les comptes publiques. Et la suppression "à l'aveugle" d'un fonctionnaire sur deux suite au départ de l'un d'entre eux finit de plomber le moral des Français : service public global de moindre qualité, fonctionnaires plus agressifs, hôpitaux et policiers débordés, tribunaux surchargés, prisons dans un état déplorable... Les économies, si faibles furent-elles, ont été réalisées exactement là où il ne fallait pas les faire. Et comme d'habitude, c'est la France silencieuse, rurale, peu peuplée, qui en a payé les pots cassés : déserts médicaux et juridiques, écoles qui ferment, absence de bureaux de poste... 

Que faire ?

Même si François Hollande continue de creuser les déficits en étant notamment toujours plus souple sur l'immigration et en continuant à sous-taxer les grandes entreprises qui versent des dizaines de milliards d'euros à leurs actionnaires chaque année, lui et son gouvernement ont au moins raison sur un point : ils ne doivent pas, sous aucun prétexte, céder à Bruxelles qui leur impose de réduire drastiquement les dépenses publiques. Et tant pis si les technocrates européens menacent de retoquer le budget 2015. Il suffit pour cela de se référer à John Maynard Keynes, le brillant économiste anglais du début du XXe siècle : il explique les profits d'une politique économique contra-cyclique. Autrement dit, il faut réduire la voilure en terme de dépenses quand la croissance est positive, en profitant d'un moral national, économique et politique, au beau fixe. Et, au contraire, quand la croissance plonge, voire devient négative, il ne faut surtout pas réduire les dépenses, mais les maintenir, les augmenter même. Un peu comme l'a fait, certes avec un succès relatif, Franklin D. Roosevelt avec sa politique du New Deal dans les années 30. C'est en effet à l'Etat, dans son rôle de paravent, de soutenir ou de recréer la croissance afin d'impulser un souffle nouveau. Car dans le cas contraire, comme je l'ai exposé plus haut, c'est la déflation qui guette. C'est vrai qu'au début, ça a du bon, les prix baissent. Mais très vite, évidemment, ce sont les salaires qui baissent. Et souvent plus vite que le coût de la vie, ce qui entraîne mécaniquement un endettement dangereux des ménages.
Manuel Valls a déclaré aujourd'hui à Londres : "my government is pro-business". Je l'encourage personnellement à être pro-croissance, et tant pis pour ce que cela coûte. Il faut faire ce qu'il faut pour que la croissance repasse dans le vert : la réduction des déficits interviendra plus tard.