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Bonjour à tous !
Alors que l'histoire du cheval roumain cannibalise l'actualité aux côtés de la démission du Très Saint Père, il s'est déroulé un évènement non moins important la semaine passée : l'accord sur le budget européen pour les 6 années à venir (2014-2020). Fait unique, c'est la première fois que celui-ci est révisé à la baisse !
C'est là que ça devient très intéressant puisque l'on assiste sans doute à un basculement historique. Car après l'Europe franco-allemande qui faisait suite au Traité de l'Elysée signé par De Gaulle et Adenauer, et dont nous célébrons les 50 ans cette année, c'est aujourd'hui une alliance germano-britannique qui semble se former. Pourquoi ? Parce que Merkel et Cameron sont tous les deux d'aspiration libérale, voire ultra-libérale, qu'ils mettent en avant les économies avant les investissements, que Londres se fiche comme d'une guigne que l'Euro soit fort, contentant ainsi Berlin qui ne veut pas entamer les réserves de ses retraités, et que la City sert également de base financière stratégique à la richissime industrie d'Outre-Rhin.
Et puis, surtout, il s'agit d'un retour à l'Histoire. Historiquement, les Allemands et les Anglais ont toujours cherché noise aux Français qu'ils trouvent trop dépensiers, trop étatistes, trop administrés et trop catholiques. Tout le contraire de deux pays protestants pour qui l'argent n'est pas un tabou et est même idolâtré. Rappelons que c'est Max Weber, un sociologue allemand, qui fut le premier à théoriser le lien entre protestantisme et enrichissement des nations. De Gaulle était conscient de cela : il qualifiait d'ailleurs les Anglais de boutiquiers et il voyait juste quand il voulait les empêcher d'entrer dans le marché commun. Car il savait que ce serait faire entrer le loup dans la bergerie. Il n'avait pas tort. Seulement l'anglophile Pompidou n'a pas résisté à la tentation après son arrivée au pouvoir. Et on n'a jamais pu faire plier Londres aux exigences de la construction européenne : Schengen, ils regardent ça d'un oeil lointain, ils ont conservé leur chère Pound et ils ont même poussé l'outrecuidance jusqu'à conserver leur archaïque système métrique, comme pour mieux contenter le cousin américain.
Car il faut dire que l'attitude anglaise s'explique historiquement par sa position géographique mais aussi dans la constitution de son empire colonial. Elle a toujours été un cheval de Troie de l'Oncle Sam en Europe. Quant à son immense empire colonial - qui s'est construit en grande partie, faut-il le rappeler, par l'éradication pure et simple des populations autochtones (Nlle Zélande, USA, Australie...) - elle le doit à la puissance de sa marine. Rappelons que la flotte anglaise est ainsi la seule à avoir défait l'Invincible Armada espagnole en 1588 sous le règne d'Elisabeth Ie. Elle a également constitué deux gigantesques compagnies marchandes pour rentabiliser a maxima ses colonies : la Compagnie des Indes Orientales et la Compagnie des Indes Occidentales. La France dans tout ça ? Le Continent a toujours eu ses préférences depuis la constitution de l'empire carolingien sous Charlemagne aux VIIIe et IXe siècle. C'est d'ailleurs cette Europe carolingienne, l'Europe des 6, qui fut à l'origine instituée en 1957 par le Traité de Rome. Ce "continentalisme" français fut renforcé et scellé dans la pierre des pyramides avec la défaite de Napoléon lors de sa campagne d'Egypte en 1799, lui fermant alors définitivement l'accès au Moyen-Orient et à la Mer Rouge.
Ce petit rappel historique montre donc la divergence fondamentale entre deux Europe qui ne peuvent s'entendre et fonder, à terme, une entité supranationale comme le rêvaient Giscard ou Delors. Il y a d'un côté une Europe catholique, étatiste, basée sur de vieilles puissances historiques (la France, l'Espagne et l'Italie) et de l'autre une Europe protestante, libérale, qui raisonne sur une logique de profits et d'enrichissement pour permettre à sa population de se prémunir des aléas de la vie (Allemagne, Angleterre, Bénélux). Vouloir fonder une alliance avec ces pays est voué à l'échec. D'autant que certains pays sont des monarchies, d'autres non. Et puis il y a une autre question qui mérite d'être posée : celle de l'histoire de l'Allemagne, qui nous permet de mieux cerner les intérêts de ce pays. Rappelons que celui-ci n'existe que depuis la Guerre de 1870-71 contre la France de Napoléon III menée par Bismarck. Avant cela il ne s'agissait que d'un conglomérat de principautés. La scission allemande opérée entre 1961 et 1990 a freiné ce pays dans la rédaction de son roman national. Il a donc besoin de se sentir fort pour exister et pour assurer une cohésion à un peuple qui n'a pas une grande histoire commune derrière lui. C'est sans doute à ce titre qu'il fut à l'origine de deux guerres mondiales. Et aujourd'hui, alors que son armée est désormais inexistante, c'est par sa puissance économique couplée à sa légendaire discipline qu'il entend assurer son hégémonie et ainsi, son avenir, qu'il juge par ailleurs très incertain à en juger par la faiblesse de son taux de natalité. Tant pis si il doit écraser les autres et plonger des peuples dans la misère pour arriver à ses fins. Quant à espérer un changement de politique, il est vain d'y croire. Car les mesures économiques libérales qui dirigent aujourd'hui le pays furent mises en place par Gehrard Schröder, pourtant de Gauche (SPD).
Avec toutes ces explications, il n'est donc pas très étonnant qu'Angie grimace depuis que François II est parti guerroyer au Mali. Car elle sait très bien que quand l'économie ne se porte pas bien, le seul autre moyen d'emmener un pays derrière soi, et d'éventuels alliés dans son sillage, c'est au fil de l'épée. Reste à savoir si cette réaction française n'est pas intervenue trop tard pour préserver la crédibilité tricolore...