Jérôme Cahuzac, Ministre du Budget et
Pierre Moscovici, Ministre de l'Economie et
des Finances, ici à l'Assemblée
(Crédits photos : CONTREPOINTS)
Bonjour à tous !
Vous l'avez peut-être remarqué dans la valse des différentes réformes budgétaires adoptées par le Gouvernement Ayrault, une mesure a notamment retenu l'attention médiatique : l'abrogation de la TVA sociale (rebaptisée pour l'occasion par le terme de TVA antidélocalisation) votée sous la législature précédente.
On y opposait alors, pour justifier sa suppression, le recours quasi-certain (mais non avéré, pour l'instant) à la hausse de la CSG. Sous ces sigles barbares se cachent des termes qu'il convient d'expliquer car ils sont le reflet de choix politiques forts.
Commençons par la moins connue d'entre elles, la CSG : Contribution Sociale Généralisée. Mise en place sous le Gouvernement de Michel Rocard en 1990, elle visait, déjà à l'époque, à diversifier les revenus de la protection sociale française. Elle est prélevée sur les revenus d'activité et de remplacement, mais aussi et surtout sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Son intérêt, a priori, consiste donc à imposer les gros propriétaires fonciers, les héritiers ou bien encore à pénaliser et donc, à long terme, à limiter, la spéculation boursière. A première vue, rien à redire, sauf que l'augmenter aujourd'hui reviendrait à ponctionner en premier lieu les retraités (premiers détenteurs de patrimoine en France) qui ne peuvent plus compter sur leur revenu d'activité pour compenser le manque à gagner. Rappelons que les cas, en France, de patrimoines dépassant l'ordinaire de l'habitation principale sont plutôt rares. Et en pénalisant ces personnes, comme les primo-accédants par exemple, on limite encore davantage l'accès à la propriété pour les jeunes ménages ou les classes moyennes toujours plus paupérisées. Et ne parlons pas du pouvoir d'achat des retraités, chaque année davantage rogné. Mais, on peut penser que l'essentiel est sauf, si l'on considère malgré tout que les sommes ainsi collectées bénéficient réellement aux plus nécessiteux d'entre nous.
Or, comme je l'explique régulièrement ici, nous vivons dans un monde ouvert dû aux nombreux traités signés par la France : Schengen, OMC et, bien sûr, délégation de notre souveraineté à Bruxelles. Ceci a trois conséquences : la libre circulation des biens, des services et des personnes. Donc, comme toujours, si l'on augmente exagérément l'imposition en France, rien n'empêchera les mieux organisés et les plus riches d'entre nous d'aller chercher asile hors de notre contrée. Qui plus est, certaines dépenses inutiles supprimées permettraient de faire certaines économies substantielles qui épongeraient en partie la dette de notre protection sociale. La suppression de l'AME (Aide Médicale d'Etat) aux étrangers venant se faire soigner en France en est un exemple. Non pas que je nie que l'on puisse accéder aux soins dans les meilleures conditions financières en France, mais les abus et les dérives ont gangréné le système. Aujourd'hui, et de nombreux praticiens le confirment régulièrement par leurs témoignages, il vaut mieux être étranger en France pour se faire soigner correctement, tandis que l'un de nos concitoyens devra parfois y renoncer faute de moyens devant les prix prohibitifs exigés par des médecins pratiquant le dépassement d'honoraires.
Mais ceci est une parenthèse. Elle avait cependant un but : expliquer que tant que nous ne reviendrons pas à des flux d'échanges de biens, de services et de personnes raisonnables, avec des contrôles aux frontières stricts, comme cela était le cas avant 1993, il reste une seule solution pour financer notre protection sociale : la TVA sociale, ou TVA antidélocalisation. En quoi consiste-t-elle ? Tout simplement à appliquer une surtaxe sur les produits manufacturés provenant de l'étranger et notamment de l'extérieur de l'Union Européenne. Cette surtaxe ira crescendo selon que le bien importé remplira des critères tels que le dumping fiscal, le dumping social, le travail des enfants, le non-respect des normes environnementales, etc. Il s'agit bien entendu ici de se prémunir de la concurrence déloyale des nouvelles puissances, notamment l'Inde et la Chine. Ces pays, la Chine notamment, s'enrichissent sur notre dos au mépris du droit des travailleurs le plus élémentaire et sans limite de pollution et de baisse des coûts. Conséquence : les entreprises produisant en France délocalisent, jugeant le panel des normes, lois et autre coût du travail trop contraignant. Ces entreprises, françaises parfois (notamment les usines automobiles) s'implantent dans ces pays, y produisent leurs bien manufacturés, puis les réimportent en France (ou dans un autre pays occidental d'ailleurs) à un coût moins élevé que si tout avait été produit en France. Sauf que l'ouvrier en Chine aura travaillé 16 ou 18 heures dans la journée sur sa machine, 6 voire 7 jours dans la semaine, avec éventuellement une semaine de congés dans l'année. Et je ne parle évidemment pas du coût carbone de faire faire un tel voyage au produit ainsi conçu. Concurrence déloyale, fermetures d'usine, hausses du chômage et désindustrialisation sont alors le triste prix à payer pour notre pays.
L'Allemagne, qui a fait le choix de miser sur la production plutôt que sur la consommation dans son système économique, récolte aujourd'hui les fruits de sa politique de rigueur budgétaire mais aussi et surtout de ses importations limitées, permettant ainsi au pays d'avoir un socle économique solide en plus d'une balance commerciale largement excédentaire. En France, a contrario, environ 2/3 de notre croissance repose sur la consommation : on incite des gens toujours plus appauvris à consommer, à prendre des crédits revolving pour faire marcher cette usine à gaz ! Pendant ce temps-là, les dossiers de surendettement déposés à la Banque de France forment une pile toujours plus élevée. La Gauche, au nom de la préservation du pouvoir d'achat, a décidé de sacrifier cette mesure pourtant pleine de bon sens. On peut penser que la volonté de détricoter minutieusement le travail de Nicolas Sarkozy pèse aussi dans la balance. Sauf qu'en refiscalisant les heures supplémentaires, en taxant davantage les plans épargne entreprise et en ne faisant rien pour enrayer la désindustrialisation du pays, le Gouvernement s'apprête à créer un appauvrissement général de la France, nous préparant aux heures sombres que vivent actuellement l'Espagne et l'Italie. La crise est très loin d'être résolue, mais le chevalier Montebourg, sur son blanc destrier, continuera à se battre contre du vent. Enfin, ça fera toujours de l'article prêt-à-publier dans le nouveau "joujou" de sa chère et tendre...