dimanche 12 octobre 2014

Eric Zemmour, une passion française

Crédits Photo : Capture d'image France Télévisions/LeFigaro.fr

Bonjour à tous !

Que n'a-t-on entendu cette semaine à propos d'Eric Zemmour ? Adulé ou exécré, l'homme ne laisse nullement indifférent. Il semble cristalliser à lui seul tous les antagonismes de notre pays, entre réactionnaires et progressistes, conservateurs et modernistes.

Un homme passionné par le débat

Talent le plus remarquable chez lui, sa passion pour le débat, la contradiction, la joute verbale. Là où les invités des plateaux télé déversent, dans 90% des cas, des platitudes d'un ennui profond, lui titille, asticote, délivre ses vérités sans prendre de gants, parce que ça le démange, ça le brûle, et qu'il ne peut pas garder ça pour lui. Et tant pis pour les réactions souvent outragées (et souvent surjouées d'ailleurs) de ses interlocuteurs. Quand on invite Eric Zemmour, on sait à quoi s'attendre, on connaît au moins une partie de ses idées : alors jouer la vierge effarouchée quand il exprime l'une ou l'autre de ses idées se révèle immédiatement comme un puissant révélateur de toute l'hypocrisie qui régit le paysage audiovisuel français. Eric Zemmour est arrivé à la télévision un peu par hasard, et la télévision a dû accepter l'intellectuel tel qu'en lui-même, car il n'est certainement pas homme à s'arrondir pour faire plaisir au plus grand nombre. Ce n'est pas un personnage de consensus, c'est vrai. Mais il a le mérite d'être fidèle à ses idées.

La France zemourienne ?

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : tous les médias ayant invité l'essayiste sur leurs plateaux ont vu leurs score d'audience bondir. De France 2 avec On n'est pas couché à RTL où il fut l'un des protagonistes d'un débat brillant avec Alain Duhamel (le même cacochyme que Franz-Olivier Giesbert, mais tout en retenue et en intelligence), l'audimat a suivi. Est-ce à dire que ses idées font l'unanimité ? Certes non. Mais les Français reconnaissent en lui un homme qui ouvre de nouvelles perspectives de réflexion, qui ne se laisse enfermer dans aucun paradigme, aucune logique politique traditionnelle et qui sait merveilleusement dénoncer les faussaires sous leurs airs bonhommes de bons petits saints, ses victimes préférées étant Cohn-Bendit, Attali, Minc ou Plenel. Il a pour lui la rhétorique, l'humour et même un certain sens de l'auto-dérision qui lui donnent un avantage certain face à ses opposants intellectuels, tout en sérieux, en gravité et imbus de leur petite personne. La différence - énorme - qui existe aussi et surtout entre eux et lui, c'est qu'il n'a jamais fricoté avec le pouvoir, de quelque bord qu'il fût, quand bien même il possède des amitiés solides avec certaines personnalités politiques : feu Philippe Séguin, Manuel Valls ou d'autres encore. Zemmour est un journaliste politique passionné par la France tout en s'efforçant de rester dans une analyse froide et raisonnée : un sacré grand écart.

Haro médiatique sur Zemmour

Alors voilà, forcément, quand on ne rentre pas dans le rang, on dérange, et Zemmour dérange beaucoup : il refuse de rentrer dans une case et refuse aussi de se plier au diktat de la bien-pensance selon laquelle l'immigration est une chance pour la France, les homosexuels ont droit à la même reconnaissance que les hétérosexuels et la féminisation de la société est une bonne chose. Moi-même j'ai certains désaccords - mineurs - avec lui mais il reste d'une grande lucidité sur l'état de notre pays. Si il voit l'immigration d'Afrique du Nord comme un cheval de Troie pour le grand remplacement, j'y vois d'abord et avant tout une forme de néo-colonialisme où l'on pille les ressources humaines vives de pays qui en ont cruellement besoin pour se développer afin que le libéralisme se serve de ces malheureux pour pratiquer un dumping social inadmissible en France. Toutefois, nous nous rejoignons sur les dangers de l'islam radical qui demeure, malgré tout, l'islam tout autant que l'islam modéré. De plus, il n'y a qu'une seule famille qui vaille, et qui existait même avant les états, c'est la famille hétérosexuelle, berceau de la différence, socle solide sur lequel on peut créer et transmettre un patrimoine, une histoire et des valeurs et où les anciens peuvent encadrer la fougue des plus jeunes. Quant à la féminisation de la société, c'est un phénomène courant depuis des années. Ici, il ne s'agit pas de critiquer les femmes mais la féminisation, ce qui est différent. Car comme le dit Eric Zemmour : "Il y a des femmes qui déplorent cette féminisation tout autant qu'il y a des hommes qui s'en réjouissent." En un mot, la société française est devenue plus passionnelle, émotive, vivant dans l'immédiateté au détriment de la raison, de la réflexion, de la vision à long terme et même de la violence ponctuelle qui avait le mérite d'exister comme exutoire nécessaire. 
Enfin, il s'agit de revenir sur la polémique centrale soulevée par son dernier ouvrage Le Suicide français. Il dénonce notamment l'emprise de l'analyse de Robert Paxton sur la réflexion de la France, où il a placé Vichy au pinacle de l'horreur, en faisant l'oméga absolu de la Seconde Guerre Mondiale. Hors, Zemmour a simplement tenté de raisonner ce point de vue : non, Vichy n'était pas le pire entre 1939 et 1945, le nazisme était le pire ! Et il n'y aurait jamais eu Vichy sans le nazisme. Ensuite, en France, il y a eu 200 000 Juifs qui ont échappé à la déportation, 25% de Juifs de France déportés pour seulement 3500 Justes environ. Aux Pays-Bas, qui comptait numérairement plus de Justes qu'en France, 75% de la population juive locale a été déportée, quand ce fut le cas pour 50% des Juifs belges. Toute personne sensée peut donc s'interroger sur cette curieuse réalité. Ce qui ne remet pas en cause la xénophobie et l'antisémitisme manifestes de Vichy, ni ne réhabilite en aucune façon Pétain. Simplement, il faut se souvenir que pour une question de souveraineté nationale, Vichy a fait en sorte de préserver aussi longtemps que possible les Juifs français, en sacrifiant les Juifs étrangers. C'est une pratique terrible, c'est vrai. Mais qui dit que le massacre n'aurait pas été bien plus grand sans cela ? Et il y a quelques historiens qui vont dans ce sens : Alain Michel, Raul Hilberg, Léon Poliakov. Et même Serge Berstein l'a reconnu à demi-mots dans une interview accordée aux Inrockuptibles cette semaine. L'Histoire est en vérité une discipline sinueuse et piégeuse où la nuance est bien souvent de mise, même sur des vérités que l'on aimerait voir établies dans le marbre.

Zemmour, victime d'un antisémitisme diffus et inconscient ?

Enfin on peut s'interroger sur cette nouvelle marotte des médias de pratiquer de la psychologie de comptoir face à ceux qui, comme Zemmour et Finkielkraut, s'interrogent sur le sens de la France, son devenir. Que ce soit pour l'auteur de L'Identité malheureuse ou celui du Suicide français, les journalistes n'ont eu de cesse de chercher à savoir à quel point leurs origines juives les conditionnaient. Tentative médiocre de diaboliser son interlocuteur sans avoir l'air d'y toucher. Celle qui fut prise le plus franchement la main dans le sac fut Léa Salamé la semaine dernière sur le plateau de Laurent Ruquier sur France 2. Zemmour la reprit sèchement de volée en lui disant "Je pourrais monter sur mes grands chevaux et vous dire que vous faites preuve d'antisémitisme". Honteuse, la jeune journaliste calma ses ardeurs. Mais le mal était fait. Tout comme on réclame d'avoir plus de femmes en politique et lorsque l'une d'elles est en passe d'imposer ses idées, on la brocarde et on l'insulte comme l'est régulièrement Marine Le Pen. Et je ne parle pas de Frigide Barjot, ancienne égérie de la Manif pour Tous que l'on a quasiment traitée de folle bonne à enfermer. Il faut donc bien comprendre ce que veulent les oligarques qui nous dirigent, politiquement et médiatiquement : on est pour les minorités et les femmes, pourvu qu'elles viennent défendre nos idées, sinon on les renverra à leur condition de minorités et de femmes. Mais on ne sera ni raciste, xénophobe ou misogyne bien entendu puisqu'on défend "nos idées" et "nos valeurs". Au royaume des faussaires, les hypocrites sont donc les rois ?