samedi 12 septembre 2015

Réfugiés : la raison par devers l'émotion

Bonjour à tous !

Point de solennité ni de larme à l'oeil facile dans ce billet pour traiter de la crise des réfugiés. C'est un problème grave, mais sa gravité nécessite justement tout le sang-froid pour le traiter le plus objectivement et le plus complètement possible. Je précise ici que je ne mettrai aucune photo susceptible de susciter un quelconque sentiment reptilien. Seuls comptent les faits. Commençons par le commencement.

Les causes d'une vague de migrants sans précédent depuis la Seconde Guerre Mondiale

Les chiffres donnent le tournis. On parle de plusieurs dizaines de milliers de personnes chassées de chez elles par la force des circonstances, jetées sur la route sans espoir. Il y a plusieurs raisons à cela. La désintégration de l'Irak suite à l'intervention américaine ayant chassé Saddam Hussein du pouvoir à partir de 2003, les printemps arabes ayant conduit à une instabilité politique dans de nombreux pays (Egypte et Tunisie notamment) sans compter la tentative de renversement de Bachar Al-Assad en Syrie et le putsch mené contre le colonel Kadhafi avec l'appui marqué de la France ; autant de raisons qui ont conduit le Moyen-Orient, déjà fort instable, vers l'implosion. Toutes ces violences ont évidemment effrayé les civils qui ont craint pour leur vie, et celle de leur proche. En parallèle, l'Etat Islamique a émergé du plus profond de l'ancienne Perse pour s'étendre à grande vitesse sur des territoires laissés à l'abandon par des Occidentaux qui n'en avaient que faire une fois leur petite vengeance accomplie. Cet état d'un nouveau genre - qui ne bénéficie d'aucune reconnaissance internationale pour le moment rappelons-le - a instauré la Charia sous sa forme la plus dure, terrifiant Chrétiens, Juifs et autres minorités religieuses de la région, dont les Yézidis. Ce furent d'ailleurs les premiers à fuir - et à demander asile à l'Europe, qui ne s'est alors pas particulièrement démenée pour les accueillir. Mais aujourd'hui, c'est toute une région du globe qui se vide de sa population, horrifiée par la barbarie d'un groupe de fous de Dieu dont on ne sait ni quand ni comment les arrêter.

Accueillir les réfugiés : un devoir moral, mais seulement moral

Le problème c'est que l'Europe fait face, depuis l'instauration des accords de Schengen autorisant la libre circulation des biens, des capitaux et des hommes en 1986, à de régulières et fréquentes vagues migratoires, originaires de pays qui ne sont pas en guerre, et qui ne sont pas accueillies comme elles le devraient. Pourquoi ? Parce que c'était essentiellement une immigration de travail sans que l'on se soit préoccupé auparavant de savoir si l'on avait besoin de cette main d'oeuvre, et que rien n'avait été fait non plus pour les assimiler, comme ce fut le cas des précédentes vagues de migration économique à partir du XIXe siècle (Belges, Portugais, Polonais, et Italiens, je ne mentionne pas ici les Espagnols, réfugiés politiques à l'arrivée de Franco). Les pouvoirs publics ont démissionné, ne se souciant pas de la façon dont ces gens pourraient se sentir les bienvenus puisque personne ne leur expliquait comment fonctionne leur pays d'accueil. Cette immigration a simplement servi à contenter les économistes qui passent leur temps à pleurnicher sur l'appauvrissement démographique de notre vieille Europe et les chefs d'entreprise, ravis d'avoir une main d'oeuvre corvéable à merci et payable au salaire minimum - quand il existait, ce qui n'est pas le cas de tous les pays d'Europe.
Ceci étant dit, on comprend mieux pourquoi les partis nationalistes et souverainistes progressent toujours davantage, de la Finlande à l'Italie, en passant par la Grande-Bretagne, la Hongrie ou la France. Evidemment, dans ces conditions, convaincre les gens qu'il serait souhaitable d'accueillir des gens qui veulent juste ne plus prendre d'obus sur le coin du museau est relativement plus compliqué.
Rendons dpnc hommage aux personnes qui, bon an mal an, accueillent quelques-uns de ces naufragés du Destin, mais sans porter rancune à ceux qui le refusent. Imposer des quotas est sans aucun doute peine perdue, les réfugiés seraient alors accueillis à contre-coeur et seraient constamment victimes d'ostracisme. Mieux vaut les encourager à aller vers les pays d'Europe les plus accueillants, à commencer par l'Allemagne.

Le double-jeu de Mme Merkel

L'Allemagne, justement, parlons-en. 800.000 personnes, c'est le chiffre annoncé par la chancellerie berlinoise quant au nombre de réfugiés que la fédération allemande compte accueillir. Rappelons que nos voisins d'outre-Rhin ont une démographie totalement déprimée, puisque tout est fait pour décourager la natalité et la maternité. Pas de crèches, pas d'allocations familiales, un certain dédain pour les femmes qui tombent enceinte au cours de leur carrière professionnelle... L'Allemagne connaît le destin démographique du Japon. Et plutôt que d'encourager les Allemands à faire des petits, on préfère accueillir en masse des immigrés, migrants économiques ou réfugiés de guerre. C'est un choix, et nul n'est en droit de le contester, l'Allemagne étant souveraine sur son sol. Mais elle doit aussi respecter la souveraineté de chacun de ses partenaires de l'UE, qui ont une démographie plus dynamique et une économie moins florissante, et qui ne peuvent donc pas se permettre d'accueillir autant de réfugiés, quand bien même cela est ramené en proportion de leur population. 
Il s'agit en réalité tout autant d'une vengeance contre des Allemands qui ont toujours été belliqueux envers l'Europe centrale et orientale que d'un souvenir encore vivace de l'éveil brutal des nationalismes en Europe au début du XXe siècle, et qui prit ses racines précisément dans cette région. Ces nationalismes ont conduit à l'éclatement de l'Empire austro-hongrois, à l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand (déclencheur de la Première Guerre Mondiale), à la fin du Saint-Empire et à des pogroms contre les Juifs ashkénazes d'Europe de l'Est. L'Allemagne et les nationalismes revendicatifs de minorités allogènes comme autant de plaies toujours béantes dans les souvenirs de ces jeunes pays indépendants que sont la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie. Le bras de fer existe et il serait dans l'intérêt de tous que Mme Merkel ne forçât personne à céder une fois de plus à sa volonté.

La "solidarité musulmane" mise à mal

Il convient également de s'interroger sur le rôle trouble joué par les pays du Golfe Persique. Ce sont des pays extrêmement riches, très peu peuplés, et qui ont besoin en plus de main d'oeuvre étrangère pour rendre possible la réalisation de leurs délires architecturaux, à commencer par la construction des stades pour la Coupe du Monde 2022. De plus, on lit régulièrement, notamment quand on débat du sempiternel conflit israélo-palestinien, que les musulmans doivent se serrer les coudes, que c'est un devoir moral entre coreligionnaires. L'accueil des réfugiés de guerre était donc l'occasion rêvée de démontrer la grandeur d'âme de ces humanistes dont la foi transcende les frontières sauf que...sauf qu'il ne s'est rien passé. Un peu de secours humanitaire par-ci, une molle intervention diplomatique par là et puis rien, le néant. Pourtant, plutôt que les réfugiés risquent leur vie en s'embarquant sur un malheureux radeau de sauvetage sur la Méditerranée pour joindre les côtes européennes, ce serait beaucoup plus simple qu'ils aillent à pieds à quelques kilomètres de là dans les villes accueillantes de Dubaï, Doha ou Riyad. Seulement voilà...si ces réfugiés fuient l'Etat islamique, c'est sans doute parce qu'ils sont plus chiites que sunnites, ou en tout cas pas wahhabites comme le sont l'Arabie Saoudite ou le Qatar. Et c'est là que les masques tombent et que les dissensions se font jour. En plus, dans le même temps, il y a une rébellion chiite à mater au Yémen voisin : voilà qui intéresse beaucoup plus ceux que l'on n'hésite pourtant plus à considérer comme des partenaires économiques de grande valeur, n'est-ce pas Mme Hidalgo ?

En France, on oublie toute politique au profit de l'émotion

La photo du petit Aylan a circulé ad nauseam partout où il était possible de la diffuser. Cet enfant n'était pas déjà assez puni de perdre la vie si jeune, il fallait encore qu'il serve de caution morale à tous les médias et politiciens sans scrupules prêts à tout pour culpabiliser des chômeurs qui peinent à payer leur loyer qu'ils devraient avoir honte de n'avoir ne serait-ce qu'un doute quant au bien-fondé de l'accueil sans réserve des réfugiés. Oui, bien sûr que c'est un devoir moral de les héberger au moins le temps du conflit chez eux ; mais c'est aussi normal de ne pas en faire une priorité quand on doit se débrouiller pour nourrir les gosses. Les Français sont généreux par nature. Tous les ans, le Téléthon bat des records malgré la crise ; il y eut une mobilisation sans précédent pour aider les victimes du Tsunami qui ravagea l'Asie de l'Est en 2004 ; il y a aussi eu plus loin dans le temps le riz pour les Somaliens. Et puis les dons qui ne cessent d'affluer vers les ONG et les associations caritatives. Et je ne parle même pas des Restos du Coeur. Et tout ça, j'insiste, en période de crise économique. Alors exploiter un pauvre gosse mort à cause de la faute à pas de chance - et rien d'autre ! car personne ne l'a jeté hors du bateau - pour faire passer les Français pour de sales égoïstes sans coeur, désolé mais là je ne suis plus. Les donneurs de leçon devraient avoir honte. D'autant qu'ils ne sont pas à une contradiction près.
Comme je le rappelais plus haut, personne n'a bougé le petit doigt pour les Chrétiens d'Orient, en allant même jusqu'à railler des prêtres qui voulaient organiser un concert en leur faveur. En outre, tous ceux qui s'émeuvent devant le sort de ces réfugiés sont parfaitement silencieux quand il s'agit de se mobiliser pour sortir les SDF de la rue. Ou pour venir en aide aux Nord-Coréens et à tant d'autres miséreux de par le monde qui n'ont pas leur photo en Une. On choisit ses damnés comme on va faire ses courses au supermarché. On prend la cause la plus consensuelle, celle qui, de préférence, rabaissera la France au rang d'éternel coupable (ce que ces Torquemada insinuent à chaque fois que c'est possible depuis la Guerre d'Algérie). Tout cela relève d'une profonde mesquinerie. Ce n'est pas en parlant fort et en faisant appel aux sentiments primaires des citoyens de ce pays que l'on fait montre du plus de générosité, de don de soi, "d'humanisme" (quel mot aujourd'hui galvaudé !). La modestie, la vergogne, la pudeur et le simple fait d'agir sont les garants d'une vraie générosité désintéressée et efficace.

Et après l'accueil des réfugiés, que fait-on ?

Jean-Luc Mélenchon, étrangement silencieux sur la question depuis le début de la couverture médiatique de cette crise, a enfin pris la parole aujourd'hui. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a parlé d'or : il estime qu'accueillir ces pauvres gens est un cycle sans fin tant que l'on ne s'en prend pas aux racines du mal. Et qu'il faut discuter avec Bachar Al-Assad, n'en déplaise aux délicats. Que cela veut-il dire ? Concernant Al-Assad, la réponse est simple : tant que son pouvoir sur la Syrie était assuré, le pays était stable. Le président syrien provient d'une minorité alaouite qui verrouille le pays afin d'empêcher les débordements des fanatiques islamiques qui hantent son pays, et que l'on peut voir à l'oeuvre depuis le début de la rébellion. 
Quant aux racines du mal, il s'agit de procéder avec méthode et célérité en mettant chacun devant ses responsabilités : à l'Europe le soutien humanitaire sur place, avec des médecins, du matériel médical et des  vivres. Elle peut aussi accueillir et organiser un soutien logistique à une résistance clairement identifiable à l'Etat islamique, comme le firent les Anglais en leur temps avec De Gaulle. Cela permettrait d'éviter de s'engager militairement dans une zone qui a toujours été le cimetière des soldats occidentaux, depuis les Russes en Afghanistan jusqu'aux Américains en Irak. Et dans un second temps, l'ONU doit pousser les pays musulmans membres de l'Organisation à former une coalition pour anéantir l'Etat islamique. Ces pays ont les moyens économiques et militaires d'une telle campagne. Et cela permettrait d'éviter que les Occidentaux ne soient encore considérés comme les responsables du chaos. 
Cette crise humaine touche tout le monde, il faut donc un vrai travail d'équipe. A chacun de se retrousser les manches et d'assumer sa tâche. Sinon, il sera temps de tirer les conclusions diplomatiques et politiques qui s'imposent. Mais l'Europe ne peut pas être éternellement le sauveur et la source de toutes les critiques de la part des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée...

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