mardi 16 septembre 2014

Crise de régime : en politique comme en foot, quand les acteurs sont mauvais, il est vain de changer de système

Bonjour à tous !

J'avais eu l'occasion, il y a de cela quelques mois, de critiquer la Commission Jospin sur la VIe République. Or le serpent de mer a réapparu il y a de cela quelques jours, profitant, si j'ose dire, de l'inédite impopularité du chef de l'Etat. 

Ce que veulent les détracteurs de la Ve République

Ce qu'ils réclament, c'est la possibilité de virer un Président et un Premier Ministre notoirement impopulaires pour convoquer de nouvelles élections. Ce qui est très amusant, c'est que ceux qui réclament ce changement se trouvent à gauche, voire très à gauche de l'échiquier politique et qu'en cas de nouveau scrutin, je ne suis pas certain qu'ils trouveraient beaucoup d'électeurs à convaincre. Ces personnes dénoncent notamment les scandales à répétition qui entachent le personnel politique. Je trouve qu'ils n'ont aucun sens de l'humour : la phobie administrative est, sans doute, la meilleure excuse à la noix trouvée par un politique depuis des années pour se dédouaner. Digne d'un Paul Deschanel éjecté de son compartiment de train en pyjama contraint de demander assistance auprès d'un garde-barrière. Culte ! La satisfaction suprême intervenant quand cet arracheur de dents de Cahuzac vient faire la morale à Thévenoud devant les caméras. Un magnifique numéro de duettistes. En ces temps difficiles, avoir des hommes politiques qui se donnent la peine de faire rire les Français, je trouve que ça mérite un hommage... Plaisanterie mise à part, quel que soit le régime, il y a toujours eu des scandales politiques : le collier de la Reine sous la monarchie, le scandale de Bismarck qui utilisait la presse pour ridiculiser la France sous le Second Empire, le scandale de Panama et les emprunts russes sous la IIIe République... Le problème n'est pas inhérent au système politique, mais à la politique elle-même : l'ivresse du pouvoir affecte certains hommes plus que d'autres, prouvant ainsi leur humanité par leur faiblesse. Ils méritent, bien sûr, d'être sanctionnés, mais il est inutile de jeter le bébé avec l'eau du bain.

Un régime parlementaire inapplicable

Comme il faut TOUJOURS faire comme ses voisins selon la nouvelle doxa (j'attends que l'un de nos partenaires européens décide d'organiser un saut de la falaise collectif, qu'on rigole), on nous explique qu'ailleurs en Europe il n'y a pas de régime présidentiel, et que c'est le Parlement issu du peuple qui gouverne avec un scrutin proportionnel. Le Président, en quelque sorte, inaugure les chrysanthèmes. Autant dire que les contribuables de nos voisins européens payent un type à se tourner les pouces pendant la durée de son mandat : pourquoi pas ? 
Je rappelle toutefois qu'il me paraît dangereux de permettre à des sondages de nous gouverner. Or, s'il faut destituer tous les chefs d'Etat qui passent en-dessous d'un certain seuil de popularité, on n'a pas fini de retourner aux urnes. Par ailleurs, le régime parlementaire a bel et bien existé en France, sous la IIIe puis sous la IVe République. Outre les changements de conseil (l'ancien nom de l'ensemble d'un gouvernement) incessants, avec un Président qui faisait effectivement davantage figure de symbole qu'autre chose, rappelons que la IIIe République a abouti à la Débâcle de 40 et l'instauration du Régime de Vichy, tandis que la IVe a laissé place à la crise de l'indépendance algérienne. Vu sous cet angle, j'ai quelques difficultés à saisir l'intérêt nous aurions à retourner à de tels régimes politiques. Quant à la démocratie participative et les référendums d'initiative populaire, avec lesquels on nous rebat les oreilles à longueur de journée, je me permets de rappeler qu'à l'Hiver dernier, une pétition rassemblant pas moins de 700.000 signatures (mazette !) et qui s'opposait à la Loi Taubira au mariage dit pour tous fut remise au Conseil Economique, Social et Environnemental, sorte de 5e chambre d'autorité de notre pays (en sus de l'Assemblée Nationale, du Sénat, de la Cour de Cassation et du Conseil Constitutionnel) : elle fut purement et simplement jetée à la poubelle, sans autre forme de procès. Je ne vois donc pas bien ce qui changerait sur ce point avec une nouvelle constitution. A moins bien sûr que l'on encourage exclusivement les référendums de la Gauche bien pensante. Mais je vous vois déjà froncer les sourcils et agiter l'index en me mettant en garde d'un procès d'intention de ma part : vous avez bien raison.

La Ve République et la Constitution de 1958 : un modèle indépassable

Ce que nos adversaires patentés de la Ve République (dont Montebourg, qui n'est pourtant pas un idiot) oublient dans leurs conclusions, c'est que le système a été parfaitement pensé. En effet, le Président peut consulter le peuple à tout moment sur des questions d'importance. Et estimé qu'une défaite à un tel référendum équivaudrait à une obligation de démission pour convoquer à nouveau le peuple aux urnes en vue d'élire un nouveau Président. C'est dans cet esprit que Michel Debré et le Général de Gaulle ont rédigé ce texte, et c'est dans cet esprit qu'elle se doit d'être interprétée. Lorsque le Général de Gaulle, alors Président de la République, organise un référendum en 1969 qu'il perd (relatif à la créations de régions et à la réforme du Sénat), il démissionne sans demander son reste. Petite parenthèse : on s'aperçoit d'ailleurs en consultant les archives que l'abstention à cette époque était inférieure à 20%, comme quoi la culture civique, ça a du sens. Fin de la parenthèse. 
Or, quand Jacques Chirac organise le référendum sur la Constitution Européenne, c'est le "Non" qui l'emporte. Pourtant il termine son mandat sans sourciller. Il s'agit d'une violation manifeste de l'esprit de la Constitution. Et là les Français peuvent se sentir légitimement trahis. Tout comme les Français peuvent aussi se sentir trahis de ne pas avoir été appelés aux urnes concernant cette fameuse Loi Taubira : un changement de civilisation vaut bien une consultation du peuple non ? Alors quand aujourd'hui on vient me chanter les louanges d'une nouvelle Constitution, qui ne serait finalement que la résurrection de vieux textes déjà usés jusqu'à la corde (c'est fou d'ailleurs comme les progressistes sont finalement atrocement passéistes...), je me permets d'être dubitatif, pour ne pas dire sceptique. Encore un peu et ce sera toute la France qui s'y retrouvera, dans la fosse sceptique !

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